CACHEZ CETTE EAU QUE JE NE SAURAIS VOIR ... ou ... COMMENT ACCUEILLIR L’EAU DANS MON JARDIN

Article paru dans la Lettre aux Habitants n°71, mars 2012.

QUAND ON CONSTRUIT DANS LA NAPPE
PHREATIQUE RUE GELEYTSBEEK …

La ville semble nier l‘existence de l’eau. Pour remédier
a cette réalité hydrographique, l‘eau doit pouvoir
y retrouver place et visibilité. C’est de la sorte
qu’évoluera la perception du citoyen, sa compréhension
du fait qu’il cohabite avec les éléments naturels
et de la nécessité de prendre en compte cet élément
dans les aménagements urbains.

II en va de même lorsqu’on construit dans les fonds
de vallées, dans le bas d’un coteau où affleure la
nappe phréatique.

C’est le cas à Uccle, rue Geleytsbeek,
une rue en bordure de la vallée du Geleytsbeek
(vallée de Saint-Job) ; elle surplombe de quelques
mètres le fond de vallée et n’est donc pas concernée
par les inondations en cas de gros orages.
Un double égouttage a été réalisé sur une bonne longueur
de la partie en sens unique de la rue, les eaux
des sources ont ainsi pu être renvoyées vers le ruisseau
et y apporter de l’eau claire. Des sources existent
parfois dans les caves des maisons du côté pair
de la rue et sont canalisées vers l’égouttage.

Lorsqu’
on a construit l’immeuble du numéro 48, les voisins
ont pu observer un véritable ruisseau qui coulait dans
le sable, et l’entrepreneur a dû prendre des mesures
particulières pour réaliser les garages de l’immeuble
et rendre leurs murs étanches,Mais malgré cela, l‘humidité
baigne les garages où il est impossible de remiser
des objets sans que ceux-ci ne moisissent.

Un peu plus loin, une importante source nait dans les
caves d’une maison construite en fond de terrain. Le
propriétaire a dirigé les eaux de la source vers un
petit étang dont le trop plein va ensuite rejoindre le
Geleytsbeek via le nouveau réseau d’égouttage. On
peut considérer que cet aménagement ne se
contente pas de « faire avec » la présence d’une
source née de la nappe phréatique mais fait mieux
en valorisant la présence de l‘eau dans son environnement.

Dans les environs immédiats, existait auparavant un
jardin au bas duquel se trouvait à front de rue une
très petite mare, pas plus grande qu’une baignoire.
Au gré des saisons, selon le niveau de la nappe phréatique,
soit elle se transformait en trou béant et sec,
soit elle se remplissait et débordait sur la rue. Evidemment,
lors de l’installation des égouts et de la réfection
totale de la rue, l‘eau s’est écoulée de ce
terrain avec une telle régularité que l’entrepreneur
n’a pas pu y réaliser le tronçon de trottoir nécessaire,
laissant les travaux inachevés depuis lors. Cinq ans
plus tard il faut toujours marcher dans la boue à cet
endroit.

Et voilà que le propriétaire de ce terrain décide
d’y construire une nouvelle habitation. L’entrepreneur
fit donc venir une pelleteuse pour creuser le
trou des fondations et les caves de la maison. Et, en
toute « logique » pour les habitants du quartier habitués
aux phénomènes liés à la nature d’un sol argileux,
ce grand trou creusé n’est resté sec que
quelques heures, pour ensuite se remplir doucement
d’eau jusqu’a atteindre le niveau supérieur du trou
et déborder sur la rue !

Un coup dur pour le constructeur
contraint d’arrêter son entreprise. Après
quelques mois de réflexion et un pompage continu
pour effectuer le « rabattage de la nappe », selon
l’expression technique, les propriétaires purent réaliser
la construction de la maison en prenant, sans
doute, les mesures nécessaires pour que l’eau n’y
rentre plus. Aujourd’hui la maison est habitée et
l’avant du terrain est en cours d’aménagement, principalement
des espaces de parking.

Et l’eau dans tout cela ? Eh bien l’eau est toujours là,
bien cachée dans le sol et le sous-sol. Ainsi lorsque le
niveau de la nappe phréatique s’élève, l’eau sourd,
s’écoule sur le trottoir et la rue … Espérons qu’une
prise de conscience a vu le jour dans l’esprit de ces
nouveaux habitants et débouchera sur les aménagements
adéquats pour accueillir, guider l’eau de
source... reconnaissant ainsi tout simplement sa présence.

Qu’aurions-nous à suggérer aux habitants des lieux ?
La solution la plus écologique est d’y réaliser une
marre alimentée par l’eau de la nappe et reliée au
réseau séparatif. La solution pragmatique serait à
tout le moins de placer dans le sol des drains et de
les relier au réseau séparatif.
Dans tous les cas, il sera alors possible de réaliser le
morceau de trottoir manquant.

La pire solution est de ne rien faire, mais l‘eau
veillera à signaler sa présence par le gel, la boue, la
gadoue, et obligera, espérons-le, à un peu plus de diligence
vis-à-vis de la gent hydraulique.

Enfin, ne serait-il pas navrant de constater qu’après
tous les déboires qu’elle a causés aux constructeurs,
les nouveaux occupants parviennent encore à se voiler
la face, à faire comme si l’eau n’existait pas, en
tout cas, pas dans leur jardin ? Alors qu’elle est bien
là et ne tardera pas à se rappeler à eux - et aux automobilistes - entre autre en hiver lorsqu’elle risque
de devenir une superbe plaque de verglas.

Marc De Brouwer

30 octobre 2012