UCCLE NÉGLIGE SON PATRIMOINE HISTORIQUE

Article paru dans la Lettre aux Habitants n°72, juin 2012.

Le cas du "chalet scolaire" à Calevoet

En ce début de
mois de juin 2012
les infrastructures
historiques de l’ancienne
Colonie du
Jour d’Uccle Calevoet
(1912) ont
finalement été démolies
malgré diverses
tentatives de
quelques riverains
pour les sauver.
L’ensemble, aménagé
en 1912 (il y a
tout juste 100 ans)
pour le compte du
“Cercle des Éclaireurs
des Deniers
des Écoles” (organisation émanant de la Ligue de
l’Enseignement), constituait pour l’histoire locale et
régionale un rare témoin de l’action sociale du début
du 20e siècle en faveur des enfants démunis.

À plusieurs
niveaux cet ensemble remarquable méritait
qu’il soit préservé tant il caractérisait le contexte sociopolitique
et culturel de l’époque qui le vit naître.
L’architecte en était le philanthrope Raymond Foucard
qui fut par ailleurs bourgmestre de Schaerbeek
de 1921 à 1927.

Nous sommes évidemment déçus par cette démolition
mais pas pour autant étonnés. Uccle est connue
pour sa politique libérale qui avant tout se veut la
garante de l’investissement privé. Excepté cas exceptionnel,
les considérations environnementales ou
patrimoniales passent au second plan. En outre,
force est de
constater que la
véritable valeur
d’un bien est rarement
évaluée en
fonction de données
artistiques,
archéologiques ,
environnementales
ou historiques
plus ou moins objectives
mais en
fonction des rapports
de force en
présence. Parfois
l’intérêt des riverains
l’emporte,
du moins s’ils se
manifestent massivement. L’ancienne colonie scolaire,
non connue du grand public (rares sont les riverains
qui habitent à proximité) eu le malheur de
ne pas mobiliser grand monde lors des enquêtes publiques
et des commissions de concertation. Cela lui
fut fatal !

Pourtant, dans un premier temps, la découverte des
plans originaux ainsi que de l’identité de l’architecte - et de fil en aiguille de l’historique de l’immeuble - avait provoqué l’enthousiasme de nombreuses personnes
notamment au sein de l’administration communale.
L’échevin lui-même avait, lors de la première
commission de concertation de septembre 2010,
montré de l’intérêt pour le « chalet scolaire » et son singulier jeu de colombage en façade. Or, aux yeux
du maitre d’oeuvre (la firme BPI), les édifices historiques
portaient « atteinte à la qualité architecturale
et à l’esthétique de l’environnement urbain » et
constituaient donc une nuisance pour la commercialisation
des bâtiments voisins alors en cours d’achèvement.
Cet argument, plus que douteux, n’avait
pour réel objectif que d’obtenir la démolition des
derniers vestiges architecturaux présents sur le site.

Or, un compromis réaliste aurait pu être adopté tant
en faveur du patrimoine architectural que des intérêts
de la firme BPI. Ceci dans la mesure où on acceptait
de construire le terrain de sport de l’ancienne
Colonie tout en maintenant l’immeuble principal du
site, à savoir le « Chalet Scolaire » et son préau. Malgré
son âge respectable cet ensemble architectural
était, jusqu’il y a peu, encore en excellent état de
conservation. Comme il n’occupait qu’un infime
pourcentage de la totalité du terrain à lotir, son
maintient ne nuisait en aucune sorte, ou alors si peu,
à l’investissement financier escompté.

Notons que personne ne s’est jamais radicalement
opposé au changement structurel du quartier. La
densification s’y justifie vu la proximité des terrains
avec la gare de Calevoet. Toutefois le développement
urbain aurait eu le mérite de se faire de manière
équilibrée, en dialogue avec les caractéristiques originelles
et patrimoniales des lieux.

En ce début de mois de juin, en même temps qu’a
lieu la démolition, l’enquête publique pour le lotissement
du terrain est en cours. Le lotissement tel que
proposé ainsi que la disposition des bâtiments futurs
se révèle, sans beaucoup de surprise, banal, sans créativité.
C’est d’autant plus frustrant car il n’aurait donc
pas été beaucoup plus compliqué d’y intégrer le chalet
scolaire. L’effort n’a simplement pas été accompli.
C’est évidemment plus facile d’adopter le principe de
la tabula rasa. Pourquoi s’encombrer de contraintes ?

La qualité architecturale et la valeur historique du pavillon
scolaire aurait toutefois pu donner au futur
quartier en cours d’urbanisation l’âme, l’identité et la
saveur qui maintenant lui manqueront cruellement.
Un banal lotissement périurbain supplémentaire…

N.B : Notons que c’est grâce à un travail minutieux,
réalisé par l’Association de Comités de Quartier Ucclois,
de dépouillement d’anciens registres, que les
archives originales du bâtiment historique ont puêtre
retrouvées.

Il nous semble que cette recherche d’archives devrait
incomber automatiquement au demandeur d’un permis
de démolition ou de transformation d’un immeuble
datant d’avant 1932. Les résultats de cette
recherche devraient en outre être obligatoirement
inclus au dossier à l’enquête publique. Il est utile de
rappeler qu’en Région bruxelloise, les immeubles datant
d’avant 1932 sont automatiquement inscrits à
l’inventaire du patrimoine.

Enguerrand David
Chargé de mission auprès de l’ACQU.

31 octobre 2012