RESUME DE L’EXPOSE INTRODUCTIF DE JEAN-PAUL WOUTERS

Plutôt que de se positionner viscéralement pour ou contre les extensions du réseau métro, il faut mettre en adéquation, sans état d’âme, chaque mode (bus, tram, métro) avec son potentiel clients. Sur base de la norme STIB de 4 voyageurs /m2, la capacité limite des bus est de l’ordre de 2.500 voyageurs / heure (un bus articulé de 104 places, toutes les 2,5 minutes) et la capacité limite des Trams T4 de 253 places est de l’ordre de 6.000 voyageurs / heure.

Mais cette norme de 4 voyageurs /m2 est très inconfortable : une telle densité d’occupation génère une promiscuité désagréable, des mouvements de voyageurs désirant entrer et sortir des véhicules beaucoup trop longs qui pénalisent la vitesse commerciale et la régularité des cadencements.

C’est pourquoi dans les calculs de développement des réseaux, c’est la limite de 3 voyageurs / m2 qui est utilisée, ce qui ramène le seuil pour passer du mode tram au métro à environ 4.500 voyageurs par heure et par sens. La capacité limite du mode métro automatique se situe autour de 28.000 voyageurs /heure/sens (matériel BOA de 716 places toutes les 1,5 minute).

Par ailleurs, les décisions structurantes et budgétivores de passer au mode métro, dépassent le cadre restreint de l’optimisation de la ville dans son fonctionnement actuel, et nécessitent de se projeter à un horizon (2025, 2040) compatible avec la durée de vie de cet investissement. A ces horizons, la ville se densifie (emplois, habitants, commerces, écoles, loisirs,..), de nouveaux pôles de développement socio-économiques sont créés, générateurs de besoins nouveaux de mobilité, et la demande de mobilité moyenne de chaque individu augmente en raison de la croissance de la palette des activités, sans parler des évolutions rapides actuelles vers des propulsions électriques individuelles.

Le plan de mobilité IRIS (2010), l’accord de Gouvernement (2014-2019), et le Plan Régional de Développement Durable (PRDD 2018) postulent la conversion en Métro du pré-métro actuel Albert - Gare du Nord et son prolongement jusqu’à Bordet. L’extension vers Uccle n’est reprise qu’à l’étude, avec un tracé préférentiel vers Calevoet.

Etudes realisées et programmées

Tout d’abord l’étude du consortium BMN 2012 (Amberg Engineering sa, SM Métro TPFE-Bagon et SM Van Campenhout- AREP) : Etude du potentiel voyageurs dans une phase préalable de l’étude du Métro Nord. Ensuite des modélisations effectuées par Bruxelles Mobilité ( BM) avec le modèle multimodal MUSTI pour les lignes retenues pour le réseau structurant de la STIB (horizon 2025) et pour les lignes retenues par le PRDD (horizon 2040).

Un cahier des charges est en préparation pour une étude de Beliris à lancer en 2019 : étude d’opportunité, de faisabilité et plan directeur d’une extension vers le Sud au-delà d’Albert. Vérification du potentiel de voyageurs (3 corridors : Albert - Parking Stalle, Albert- Vivier d’Oie, Albert - Calevoet).

Les scénarios d’évolution basés sur le Bureau fédéral du plan envisagent pour la RBC une croissance de la population de 1 222 000 (2018) à 1 397 000 (2040) et des emplois de 726 000 (2018) à 750 000 (2040). A cet horizon des pôles existants comme les gares du Midi, Centrale, Nord et le Quartier Européen sont renforcés, la zone du Canal, le Heysel et Tour et Taxis continent leur croissance et de nouveaux pôles émergent (Delta, Reyers, Josaphat, Schaerbeek - Formation ). Le projet PRDD considère vraisemblable que la part de la marche et du vélo croisse de 36% à 47%, que les déplacements à la pointe du matin (6h-10h) évoluent de 244 000 à 305 000 en transports publics et de 222 000 à 161 000 en voiture.

Il importe de tester le potentiel client du Nord - Sud à cet horizon (2040), en le cumulant aux autres initiatives de transport public à cet horizon. Car si on teste le Nord - Sud seul ajouté à l’offre actuelle, son potentiel apparait beaucoup plus important, par absence de compétiteurs. BM a dès lors imaginé avec la STIB, en sus du RER complet, un scénario d’exploitation des extensions Métro potentielles du PRDD et a simulé leurs potentiels voyageurs à la pointe du matin : il est à noter que la tarification routière pour encourager au report modal n’est pas reprise dans la simulation, ce qui sous-estime sensiblement les résultats. Dans ce scénario la ligne Bordet – Uccle Calevoet serait exploitée toutes les 3 minutes aux heures de pointe dans la branche Nord et toutes les 6 minutes dans la branche Sud.

Résultats des premières simulations

Extraits de l’étude du consortium Bruxelles Métro Nord (BMN) 2012

Quelques résultats issus de la modélisation : Comparaison du nombre de voyageurs attendus sur le corridor Nord suivant les modes : entre le tram amélioré et le Métro automatique, le nombre de voyageurs / jour est doublé (325 000 au lieu de 162 000). Le Métro est en effet plus attractif (plus capacitaire, deux fois plus rapide, plus régulier), son rayon d’attraction autour des gares croît et le report modal se renforce. 9 800 personnes / jour se reportent de la voiture vers les transports publics, dont plus de 5000 sur le corridor Nord entre Bordet et Liedts.

Modèle multimodal de Bruxelles Mobilité (BM) sur le réseau Métro PRDD 2040

Comparaison des fréquentations à la pointe du matin (6h-10h) de la ligne métro N-S par rapport aux autres lignes : la ligne M1+5 a une fréquentation maximale vers le centre de 25 500 (Arts-Loi). Juste derrière, la ligne N-S a une fréquentation de 20 800 aux abords de la gare du Midi. Entre Beekkant et la gare de l’Ouest la fréquentation atteint 17 200. Toutes les autres lignes métro font moins.

  • Le coefficient retenu pour relier le trafic à l’heure maximale de pointe (8h-9h) à la pointe du matin (6h-10h) est de 0,38 vers la ville et de 0,36 vers la périphérie. Pour la ligne N-S, la fréquentation à l’heure de pointe la plus chargée est donc de 20.800 x 0,38 = 7.900 voyageurs / h /sens, valeur bien supérieure au seuil Tram / Métro. A hauteur d’Albert, la fréquentation est 12.200 X 0,38= 4.636 voyageurs / h /sens, voisin du seuil Métro
  • L’extrémité de ligne à Bordet à une fréquentation moyenne à la pointe du matin (6h-10h) dans les 2 sens de 3.700 + 5.700= 9. 400 contre 2.500+2.200 = 4.700 pour l’extrémité à Calevoet (la moitié), ce qui est normal en fonction de la densité des quartiers traversés. Toutefois les extrémités de ligne, à Delta par exemple, ont des fréquentions du même ordre de grandeur.

Modèle multi modal de BM sur 3 variantes étudiées succinctement ( 2015)

  1. ALBERT – DUDEN – FOREST EST – KERSBEEK – PARKING STALLE Prolongement de +/- 3.9 km depuis Albert.
  1. ALBERT – TOURNOI – ROOSENDAEL – HÉROS – DIEWEG – ST-JOB – VIVIER D’OIE Prolongement de +/- 5.6 km depuis Albert.
  1. ALBERT – ALTITUDE 100 – MESSIDOR – HÉROS – 3 ARBRES – CALEVOET Prolongement de +/- 3.8 km depuis Albert.

Les fréquentations (ensemble des voyageurs montés à bord -2 sens) estimées sur l’ensemble de la ligne de métro (depuis Bordet) par le modèle sont les suivantes :

  • 78 000 voyageurs sur la période 6h-10h (jusqu’à P Stalle)
  • 80 000 voyageurs sur la période 6h-10h (jusqu’à Vivier d’Oie)
  • 81 500 voyageurs sur la période 6h-10h (jusqu’à Calevoet)

A comparer avec la fréquentation du tronçon Bordet-Albert (sans extension vers le sud) de 61.500 voyageurs sur la période 6h-10h (sur une longueur de 9.5 km).

Budget

Estimations BMN 2012 : Partie Nord (Gare du Nord- Bordet)

Les estimations pour un site propre tramway sont de 10 millions € /km, et le coût d’une infrastructure souterraine de 100 millions € / km. Le coût pour l’infrastructure et le système de métro automatique sont estimés à 684 millions € , avec 171 millions € en sus pour le matériel roulant. Sur base des références d’études socio-économiques de BM, le coût de l’infrastructure et du système métro automatique serait de 120 millions / km x 5,9 = 708 millions €.

Dernières estimations disponibles

Les investissements pour l’extension de la ligne entre la gare du Nord et Bordet sont estimés à 857 millions d’euros (hors matériel roulant). Les accords entre le fédéral et le régional prévoient un financement de 52% par Beliris soit 450 millions d’euros, à raison de 50 millions d’euros par an dès 2015. Le reste est financé par la Région de Bruxelles - Capitale. Par ailleurs, la rénovation du tunnel entre Albert et la gare du Nord est à la charge de Bruxelles Mobilité.

La STIB estime que le coût global de l’ensemble du métro Nord, avec le matériel roulant et la transformation de l’axe nord-sud, sera de 1,6 milliard d’euros (Plan d’Investissement Transports Publics 2016-2025, approuvé par le Gouvernement en octobre 2015). Si nous tablons sur 130 millions € / km, le prolongement Sud depuis Albert est évalué sommairement à  :

  • Tracé vers Calevoet 3,8 x 130 = 494 millions € arrondi à 500 millions €
  • Tracé vers le Vivier d’Oie 5,6 x 130 = 728 millions € arrondi à 730 millions €

Graphique BM / Direction Stratégie – Modélisation MUSTI Sc PRDD

Conclusions

La branche Albert – Bordet dispose d’un potentiel voyageurs à l’horizon 2040 qui dépasse considérablement le seuil tram / métro et est tout à fait compatible avec le mode Métro (7.900 voyageurs /h / sens au voisinage de la gare du Midi et 4.600 voyageurs / h / sens à Albert). Ce potentiel important pour une queue de ligne à Albert est dû à des densités correctes d’habitants / emplois et un grand potentiel de correspondance : il se situe au niveau du seuil tram / métro.

Graphique BM / Direction Stratégie – Tests préliminaires pour les trois variantes uccloises.

Ligne en rocade Albert – Hermann-Debroux, avec estimation des trafics attendus, extrait de « Accéder à Bruxelles – Perspectives Multimodales » par Claude van den Hove, ouvrage publié sous la direction de Pierre Laconte (2014, p. 139)

A ce stade des études préliminaires, le potentiel Métro n’est pas atteint pour l’extension vers Calevoet : l’extension vers le Sud a un potentiel d’extrémité de ligne (Calevoet) du niveau de la moitié du potentiel d’extrémité au Nord (Bordet), et de l’ordre de celui de Delta à Auderghem. Mais la longueur de cette branche Sud est faible (3,8 km) en rapport avec le solde de l’itinéraire Bordet - Albert (9,5km), et certains plaident pour un axe Nord-Sud complet pour supprimer le transfert de charge à Albert et délivrer les voyageurs des difficultés à dégager une vitesse commerciale attractive sur le tram 55 chaussée d’Alsemberg (faible largeur entre façades , noyau commercial). L’étude d’opportunité et de faisabilité, lancée en 2019 par Beliris, permettra d’objectiver ces données préliminaires et constituer un outil d’aide à la décision.

Une autre ligne potentielle mérite aussi ( voire peut-être plus ) l’intérêt des Ucclois et plus globalement de la deuxième couronne Est de la Région : la transformation progressive de l’actuelle ligne 7 en pré-métro sous les carrefours difficiles (Triomphe, Couronne, Bascule,..) et puis en métro, en fonction de la densification des réserves foncières situées aux abords de cet axe (Delta, Reyers, Schaerbeek - Josaphat , Schaerbeek - Formation). Si la priorité est donnée à cette rocade prémétro / métro, il deviendra déterminant pour les usagers ucclois riverains de la chaussée de Waterloo et les navetteurs de Rhode et Waterloo de bénéficier « du corridor de mobilité » défini au PRDD. Une ligne de rabattement performante (site propre) sur la chaussée de Waterloo devrait permettre les correspondances avec la L 26 RER au Vivier d’Oie et le prémétro / métro ligne 7 à Churchill.

20 janvier 2021