La Cityvision à Uccle – Enjeux et réflexions

Article paru dans la Lettre aux habitants n° 63, mars 2010.

Petit rappel ....pour les distraits !

Le précédent numéro de la Lettre aux Habitants a réservé plusieurs pages à la présentation de la « Cityvision ». Il s’agit d’une proposition de restructuration du réseau de transports en commun, basée sur un maillage de trams en surface et d’exploitation optimale de l’infrastructure métro existante. L’objectif est d’offrir aux usagers un réseau ferré plus dense qu’aujourd’hui, sans recourir à l’extension future du métro, et en offrant des gains de temps substantiels (en gommant les « ruptures de charge »). La proposition s’inspire de réalisations étrangères qui ont fait leurs preuves.

Le dernier numéro de la revue « Bruxelles en Mouvement » publiée par Inter-Environnement Bruxelles est intégralement consacré à cette proposition qui émane de la société civile bruxelloise.

La Cityvision se démarque fondamentalement des options défendues par la STIB sous le titre de « Métrovision ». Aujourd’hui, l’existence d’une alternative citoyenne crédible a le mérite d’ouvrir un nouveau débat de fond sur la mobilité durable dans la Région bruxelloise. Nul doute que les réactions actuelles et futures autour de ces concepts aideront les décideurs politiques à opérer des choix en toute connaissance de cause et, espérons-le, dans l’intérêt des Bruxellois et des usagers en général.

L’ACQU soutient ardemment la Cityvision qui développe sur l’ensemble du territoire bruxellois les principes qu’elle défend pour Uccle. Ceux-ci ont été largement développés depuis de nombreuses années, notamment, à l’occasion de l’élaboration par la Commune de son Plan de mobilité.

La Cityvision n’est pas un modèle figé, pour autant que ses objectifs et sa philosophie soient respectés. Ses auteurs nous ont donc interpellés pour évaluer à l’échelon local ucclois la pertinence des propositions avancées. C’est dans ce cadre que notre réflexion s’est développée ces derniers mois. En voici le résultat que nous vous soumettons à notre tour.

Le réseau ferré actuel – des ressources insoupçonnées

Point de métro à Uccle. Par contre, des rails en site propre, il y en a plus qu’on ne le croit. La SNCB nous offre deux lignes de train. La ligne 124 qui s’arrête à Stalle, Calevoet et Linkebeek. Et la ligne 26 qui s’arrête à Moensberg, Saint-Job et Vivier d’Oie. Ces arrêts nous permettent déjà aujourd’hui de rejoindre différents lieux stratégiques de la Région, de manière rapide. Sans doute, les fréquences et la régularité pourraient être améliorées. Les travaux d’infrastructure en cours et les achats de matériel roulant envisagés par la SNCB amélioreront cette situation dans les prochaines années : c’est le projet du RER. La nouvelle station Moensberg en construction permettra la correspondance entre les deux lignes de train. Les fréquences seront améliorées.

Il restera encore à convaincre les décideurs de l’intérêt primordial d’un arrêt supplémentaire sur la ligne 26 à hauteur du Lycée Français, afin d’offrir à une large zone d’habitations et de services (existante et en devenir) une offre de mobilité rapide, pratique et qu’aucun autre mode de transport en commun ne pourra jamais égaler ni envisager, étant donné les caractéristiques des voiries du quartier (étroitesse, sinuosité, présence de sites naturels protégés).
La Cityvision se doit d’intégrer l’offre SNCB, dès lors qu’elle permet des liaisons utiles et performantes aux usagers des transports en commun bruxellois.

Les voies de tram à Uccle – le complément logique

Une des idées maîtresses de la Cityvision est de fonder le maillage principal du réseau sur des lignes de métro, de semi-métro, de trams en site propre (évidemment) par le développement de nouvelles voies de tram complémentaires, là où cela s’avère nécessaire. Il s’appuie sur une logique d’arborescence et d’unification du territoire, tandis que la Métrovision concentre les voyageurs vers le centre et les métros, en multipliant les ruptures de charge.

Le coût financier de la construction de tout un réseau ferré de trams très dense équivaut au coût d’une partie de ligne de métro. Celui-ci ne profiterait qu’aux habitants d’une partie limitée du territoire et désavantagerait tant d’autres habitants qui souffrent de correspondances supplémentaires et de temps de parcours (de porte à porte) finalement très allongés.

A Uccle aussi, il est possible de faire mieux avec pas beaucoup plus.

Etendre le réseau ferré à la Chaussée de Waterloo depuis l’IRSA (avenue Van Bever) jusqu’à l’avenue Louise (à hauteur de l’entrée du Bois de la Cambre) permet de développer fortement le réseau en offrant une ligne directe Uccle (Fort Jaco) – Porte Louise qui serait très performante. Et si un site propre dans les deux sens ne peut être envisagé partout, pourquoi ne pas faire passer le tram dans le Bois de la Cambre (pour au moins la voie vers le centre ville) ? L’avenue de Diane n’est-elle pas suffisamment large que pour permettre ce partage de la voirie avec l’automobile ?

En tout cas, le « bouchon » de la Bascule doit sauter, d’une manière ou d’une autre.

En complément à cette proposition d’extension, il serait logique de relier l’arrêt SNCB Vivier d’Oie à l’avenue Carsoel le long du chemin de fer à l’avenue Latérale. Ce petit bout de ligne en site propre permettrait d’installer un terminus de tram à Vivier d’Oie (le 97 ? par exemple, qui relie aujourd’hui Forest, et demain, pourquoi pas, Anderlecht, créant ainsi une liaison transversale ferrée directe vers cette commune).

Depuis le Fort-Jaco, se déploie toujours une ligne qui rejoint Uccle-centre via les avenues Carsoel et Wolvendael, puis se dirige vers Saint-Gilles et la porte Louise, comme aujourd’hui.

Quand le bouchon de la Bascule aura définitivement sauté, les trams 23 et 24 auront tout intérêt à prolonger leur chemin vers le Midi, entièrement en site propre, en abandonnant les terminus Vanderkindere et Churchill, qui imposent gymnastique et délais d’attente inutiles. Quant au 3, venant du Nord de Bruxelles, pourquoi l’arrêter à Churchill et ne pas le prolonger jusqu’à l’ULB ou Boendael, offrant une liaison (enfin) directe vers ce site universitaire pour de nombreux habitants ?

La ligne 4 est un des axes essentiels du réseau de la STIB. Le fait que cette ligne soit en site propre démontre que, pour garantir une régularité de passage et une vitesse appréciée, c’est une des conditions indispensables à remplir. Le fait de relier les faubourgs directement aux pôles d’activité Midi, Centre et Nord de Bruxelles est une autre clé de son succès auprès des usagers. Il est encore possible d’améliorer ses performances, si des commandes de feu intelligentes pouvaient être installées sur l’ensemble de son parcours. Le carrefour Vanderkindere est, sur ce plan, un réel point noir.

Le tram 4 connaît un vrai succès. Sa fréquence élevée et son parcours en site propre en font un moyen de transport efficace et crédible auprès des usagers.


Au delà de son terminus Nord, une prolongation vers Schaerbeek (gare) permettrait à ce tronçon complémentaire de bénéficier des aménagements en cours de finalisation aux environs de la place Liedts et éviterait à bien des usagers les ruptures de charge qu’ils connaissent aujourd’hui.

Il y a lieu aussi de s’opposer à la création, à la station Albert, d’un terminus pour les trams 23 et 24. En effet, pour des motifs techniques, ce terminus condamne le passage de la ligne 4 dans la trémie de pré-métro vers le Midi. Cela imposerait à tous les Ucclois une rupture de charge supplémentaire à Albert. Non merci !

Du côté Sud, même si la proposition qui suit dépasse les limites de la Région bruxelloise, il faut continuer à insister pour que le terminus soit déplacé au plus près de l’autoroute vers Mons et Paris, à Drogenbos, près du centre commercial. La Région flamande a renouvelé la voirie pour intégrer un site propre essentiellement utilisé par les bus De Lijn. Voir s’arrêter le tram 4 à la frontière régionale est incompréhensible pour l’usager ordinaire.

Le tram 82 qui vient justement de Drogenbos, en étant déjà là utilisé par de nombreux Ucclois, reste désespérément englué dans le trafic automobile de la rue de l’Etoile et de la chaussée de Neerstalle jusqu’à l’abbaye de Forest. Ce tracé essentiel, emprunté aussi par le 97, mérite d’être libéré de telle manière que ces lignes puissent offrir des liaisons directes vers d’autres communes dans des conditions de voyage nettement plus performantes. A terme, le 82 devrait réintégrer l’axe Midi-Nord.

Enfin, la ligne 51 (ex- 55), qui a été prolongée depuis peu jusqu’à la limite régionale, reste une des lignes les plus utilisées sur le réseau bruxellois, malgré sa lenteur endémique sur le territoire ucclois. Nul doute qu’améliorer sa vitesse commerciale ravirait ses nombreux usagers, mais aussi la STIB elle-même, qui doit déployer sur cette ligne un grand nombre de voitures pour en compenser la lenteur. La question de son terminus Sud reste problématique. Le refus de la SNCB d’ajouter un arrêt sur la ligne 26 au croisement de la chaussée d’Alsemberg (au Boterberg, à Linkebeek) rend sans intérêt la prolongation du réseau ferré de la STIB jusqu’à cet endroit. Créer un nouveau terminus au Moensberg, à proximité de la future nouvelle halte SNCB, relèverait du bon sens pour autant que le coût de ces travaux soit justifié par une amélioration sensible de la vitesse commerciale sur l’ensemble de la ligne.

Depuis plusieurs années, l’ACQU demande que la rue du Wagon (aujourd’hui inexistante), le long de la ligne de chemin de fer 124 entre Calevoet et Stalle, soit réservée au passage des transports en commun et usagers lents. Elle pourrait accueillir les bus De Lijn qui s’en vont vers Drogenbos, ainsi qu’une ligne de tram qui, à la rue de Stalle, pourrait se diriger soit vers la chaussée de Neerstalle, soit vers l’avenue Brugmann, offrant ainsi facilement d’autres opportunités de création de lignes pour satisfaire la demande.

Le fait que la SNCB envisage le report des trains RER venant de Linkebeek, Calevoet et Stalle vers la Gare de l’Ouest à Molenbeek (et toutes ses lignes de métro), plutôt que vers la Gare du Midi, devrait inciter la STIB à prévoir sans grands frais supplémentaires la création de nouvelles lignes qui puissent offrir des liaisons rapides d’Uccle vers l’axe Midi – Centre – Nord pour tous ceux qui ne trouveraient pas leur bonheur dans ce changement annoncé. C’est dans cette perspective que le tronçon de la rue du Wagon pourrait révéler toute sa pertinence (une ligne Calevoet – Midi – Berchem ?) en complément à la proposition de réintégrer le tram 82 dans l’axe Midi – Centre - Nord.

Une conclusion...pas définitive

La Cityvision offre un avantage évident par rapport à la Métrovision : c’est sa souplesse d’adaptation aux changements. Là où les axes de métro imposent des liaisons peu modulables, les trams et prémétro (avec la densification du réseau ferré de surface) permettent toujours des ajustements de lignes en fonction des besoins qui évoluent au fil des années dans la Région. C’est aussi pourquoi les propositions que nous formulons pour Uccle valent d’abord par le développement global du réseau ferré et les possibilités multiples qu’il offre, plutôt que par les caractéristiques précises des trajets des lignes que nous suggérons.

C’est en fonction de l’évolution et de la création de nouveaux pôles administratifs, de services, de logements ou de loisirs que les transports publics doivent adapter leur offre avec souplesse et rapidité. La gestion dynamique du réseau doit garantir cette adaptabilité, au risque sinon de décourager les voyageurs potentiels et de voir l’automobile envahir toujours plus notre ville.

Pour le Groupe de travail Mobilité
Alain THIRION

mars 2010