Article paru dans la Lettre aux habitants n° 66, décembre 2010.
Revendiquée par un monde politique en mal de reconnaissance, elle est dans toutes les bouches et est de toutes les déclarations. La participation citoyenne est le pas- sage obligé de tout processus décisionnel souhaitant brandir l’étendard de la légitimité. Derrière ce concept, se cachent une multitude d’actions ayant toutes l’appellation « participation ». L’envoi d’un questionnaire toutes - boîtes, la participation à un comité d’accompagnement, la demande d’approbation en commission de concertation ne sont qu’une infime partie des outils possibles et parfois utilisés par les décideurs. Il s’agit bien souvent d’un vœu pieux ; laisser un espace d’expression aux citoyens qu’ils sont censés représenter. Car les politiques savent que faire participer les habitants aux processus décisionnels est source d’avantages.
Cela répond aux craintes des électeurs, à leur besoin d’être reconnus et entendus et, in fine, ça permet d’apaiser les tensions, les conflits. Et si la participation n’avait pas qu’un sens électoral ?
Et si la participation avait d’autres atouts bien plus perti- nents à offrir pour peu qu’elle soit correctement menée ?
Des hauts et des bas ou la théorie du yo-yo
Une dynamique participative peut épouser plusieurs courants. Elle peut être descendante (l’impulsion vient du haut et percole finalement vers la population) ou ascendante (l’impulsion est citoyenne et remonte vers le pouvoir décisionnel).
Dans le cas d’un mouvement descendant (ce qui est majoritairement le cas), demander à la population de s’exprimer sur un projet finalisé afin de l’approuver n’offre que deux scenarii différents. Soit le projet ne suscite aucune réaction soit il subit une volée de bois vert.
Les exemples de mauvaise participation se soldant par des échecs sont légions. Le cas du Moensberg à Uccle est exemplaire en la matière. En effet, le projet a été purement et simplement enterré pour cause d’inadéquation avec les besoins des habitants.
L’absence de concertation, de prise en compte de leur volonté d’avoir un projet s’intégrant dans l’environnement actuel a poussé les riverains à introduire un recours. Le projet a été annulé par le Conseil d’Etat. Maintenant, grâce à la prise en compte de leur contre-projet et de leur revendication, le dossier reprend vie. Il en fut de même avec les projets de logement sur la plaine du Bourdon. Cette fois, c’est le politique qui a décidé de revoir sa copie et d’y intégrer l’ensemble des remarques émises par les habitants lors de la première commission de concertation.
Ce qu’il en ressort, c’est qu’il faut clairement distinguer la participation de la consultation. Pour cette dernière, seule l’approbation d’un projet est demandée en faisant fi de l’avis, de l’expérience des habitants. Pour éviter d’en arriver à ce type de réaction virulente de rejet, une participation en amont semble plus que pertinente ; elle est primordiale. C’est un gain de temps, d’argent et une diminution des risques de conflits.
Le Bourdon se réveille
Les dynamiques « top to bottom » (l’information part du haut et est répercutée progressivement vers le bas) ont montré leurs limites (cf. Moensberg). Un mouvement partant de la base et remontant vers les instances décisionnelles semble plus à même d’aboutir sur un partenariat sain et constructif (les besoins des habitants servent de base de réflexion, de matière première aux projets d’aménagement).C’est de ce postulat qu’a démarré le processus avec les habitants du Quartier Calevoet-Bourdon.
C’est sous l’impulsion donnée par le Candelaershuys lors d’un projet culturel proposé en juin 2009, intitulé « Piste 1180 », qu’une première rencontre entre les riverains et différentes associations ressources eut lieu. Il s’agissait de présenter également les deux projets de logement prévus sur la Plaine du Bourdon. Une vision transversale de la situation nouvellement acquise et quelques discussions plus tard, les différents partenaires décident de rester en contact. L’union fait la force.
Suite au succès de cette première soirée, Inter-Environnement Bruxelles et l’ACQU furent sollicités par les habitants afin d’organiser plusieurs réunions où la concertation serait réellement de mise.
Les marches exploratoires
L’idée traversant ce concept est de partir du terrain avec des habitants qui en sont les usagers. Il s’agit d’observer une situation urbaine sans hypothèse pré-construite, sans a priori. Les marches permettent de saisir le ressenti d’une expérience urbaine (traversée d’un carrefour dangereux, convivialité d’un parc, etc.). Avec cette collecte de données subjectives provenant des points de vue multiples des participants (selon leur âge, leur genre, leur mode de vie), il est possible de faire ressortir des problématiques objectivables et des solutions existantes ou possibles.
Dans le cas du quartier Bourdon, les habitants ont été regroupés selon les thématiques qu’ils souhaitaient aborder prioritairement. Ainsi, la mobilité, l’habitat, l’espace urbain, les entreprises, l’eau et l’environnement ont été analysés séparément. Pour faciliter la marche, alimenter le débat et synthétiser l’analyse effectuée par les participants, une personne ressource, connaissant bien la thématique s’est occupée de l’animation du groupe. En fournissant des données techniques fiables sur la thématique traitée, elle stimulait ainsi la participation des habitants.
Ensuite, chaque groupe a partagé son expérience lors d’une mise en commun. Tout le long de ce processus, de nombreuses discussions collectives ont eu lieu afin de vérifier que la transcription factuelle des expériences de terrain corresponde bien à celles revendiquées par les habitants. La récolte de ces
informations a fourni la matière première pour alimenter les propos de la brochure.
Expertise du terrain ou expertise de bureau ?
Trop souvent, les décideurs politiques, les planificateurs ou les promoteurs immobiliers estiment que le devenir d’un site ne peut se discuter qu’avec des experts reconnus (architectes, investisseurs, etc.). Ils oublient que les connaissances théoriques, aussi expertes soient-elles, ne suffisent pas. Les connaissances pratiques et l’expérience de terrain restent essentielles et complémentaires au travail en chambre.
Un travail théorique en bureau peut être techniquement cohérent mais parfois peu en phase avec le vécu quotidien des riverains. Tout comme un travail empirique via une approche de terrain sera en phase avec la réalité mais peut ne pas être soutenable économiquement ou techniquement. L’importance d’une collaboration entre les différents acteurs tant publics que privés, tant citoyens que professionnels prend alors tout son sens et le cas du Bourdon en est la preuve. L’expertise riveraine, menée au travers des marches exploratoires, a permis de compulser une base de réflexion, d’aide à la décision pour tous les acteurs en place pour peu que l’outil soit consulté et utilisé. Ce type de participation permet aux décideurs d’intégrer des paramètres auxquels ils n’auraient pas forcément pensé vu la distance qui les sépare du terrain.
La présentation publique d’une démarche citoyenne
La brochure a été tirée à 500 exemplaires et été diffusée lors d’une conférence de presse, point d’orgue du processus participatif. Les habitants ont ainsi pu présenter le fruit de leur travail et transmettre leurs revendications aux personnes concernées (politiques, administrations, bouwmeester, etc.).
ERWAN MARJO