LE PROJET IMMOBILIER ASPRIA SUR LES TERRAINS DE SPORTS SOLVAY : EPILOGUE ?

Nos lecteurs savent combien nous nous préoccupons du maintien dans la ville des terrains de sports et de loisirs de plein air. Dans notre Lettre n° 83 de mars 2015 (p.6), nous avons fait le point sur les terrains en face de l’Hippodrome. Qu’est-il advenu de ce dossier ?

La saga a débuté en 2011 quand la société Solvay a souhaité se débarrasser de son complexe sportif de l’avenue du Pérou et que la chaîne de clubs de sports de luxe Aspria s’est présentée comme nouvelle exploitante de ce superbe domaine sportif et de loisirs.

La 1ère mauvaise surprise fut d’assister au dépôt d’un projet immobilier totalement hors normes (16.500 m² de construction contre 1.500 actuellement) et sans respect de l’affectation réglementaire du site. Les quelques activités maintenues de sports et de loisirs en plein air n’étant que le très modeste paravent à la construction d’un vaste complexe hôtelier (initialement 49 chambres) et de wellness ou centre de bien-être. Étonnamment, alors qu’il aurait suffit à l’administration régionale de l’urbanisme d’un examen sommaire pour expliquer au promoteur que son projet était totalement incompatible avec la destination réglementaire des lieux, ce projet fut bel et bien instruit comme si de rien n’était : 2ème mauvaise surprise.

Malgré l’avis très sévère de la Commission de Concertation, excluant de ce projet tout le volet hôtelier ainsi que les salles polyvalentes dévolues à l’organisation de fêtes, la Région de Bruxelles-Capitale, par son fonctionnaire délégué, délivra un permis d’urbanisme, donnant satisfaction sur toute la ligne à Aspria. Un fait du prince imposé sans la moindre motivation digne de ce nom : 3ème mauvaise surprise.

Les recours introduits auprès du Collège d’Urbanisme, par des Communes et des particuliers s’estimant lésés par ce coup de force, ont apporté un démenti cinglant au point de vue défendu par la Région : la fonction hôtelière est interdite dans les « zones de sports et loisirs de plein air », et le centre de wellness se compose d’infrastructures intérieures qui ne sont pas nécessaires à l’affection principale de la zone : « Il ne peut être sérieusement soutenu qu’elles constituent le complément usuel et l’accessoire de ces zones » conclut le Collège d’Urbanisme : le permis d’urbanisme sollicité doit être refusé.

4ème mauvaise surprise : le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale passe outre et décide de maintenir l’autorisation accordée avec cependant un volet hôtelier réduit de 49 à 25 chambres.

Dernier épisode : la contestation devant le Conseil d’Etat vient d’aboutir. Par arrêt du 29 mai 2018, le C.E. annule le permis d’urbanisme ; le projet Aspria ne peut voir le jour :

« Est annulé l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles – Capitale du 28 avril 2016 accordant à la société anonyme « Aspria Belgium » un permis unique qui l’autorise à construire une extension au club house existant en y intégrant une infrastructure d’hébergement comportant 25 chambres, un parking souterrain de 193 places (sur 2 niveaux) et à aménager le site du « Parc Solvay Sports » avenue du Pérou, 80 à Bruxelles. »

En bref, le C.E. balaye le projet du promoteur, avalisé par la Région puis par le Gouvernement, qui ouvrait la porte à du « bétonnage » et à une « mercantilisation » exagérée d’un espace que le législateur a défini dans son Plan Régional d’Affectation du Sol comme devant prioritairement rester un espace vert. Et quand on y regarde de près, le centre wellness a une telle ampleur qu’il ne peut qu’en être l’élément principal. Pourtant le C.E. avait correctement défini la complémentarité : « Que la notion de complémentarité implique un rapport suffisamment direct avec la pratique sportive de plein air, et qu’elle ne peut être étendue, sous peine de dénaturer la zone considérée, à toute affectation qui représente simplement une offre supplémentaire à la clientèle ».

Que conclure de cette pitoyable saga ?

Ce magnifique complexe n’aurait eu aucune difficulté à conserver la fonction sociale et sportive voulue par le PRAS. Des spéculateurs ont pensé qu’à l’aide de deux ou trois ficelles et artifices ils allaient court-circuiter les règles de droit et gagner du temps ; ils en sont pour leurs frais. Comment le Gouvernement et son Administration de l’Urbanisme ont-ils pu aller jusqu’à délivrer le permis, restant sourds aux arguments de leurs propres instances consultatives, des communes impliquées et des citoyens ? Ne leur laissant d’autre solution que d’en référer au Conseil d’Etat.

Quoiqu’il en soit, on se réjouira que l’Etat de droit ait finalement triomphé d’un trop évident laxisme.

D. R .