LE DERNIER CHAMP DE LA VALLÉE DE ST JOB

Depuis des temps immémoriaux ce terrain privé était consacré à l’agriculture. Situé sur le flanc nord de la vallée du Geleytsbeek il s’offrait au regard des passants qui longeaient la chaussée ou qui parcouraient la section de la rue du Château d’Eau qui y aboutissait. C’était la dernière parcelle vouée à cet usage le long de cet axe fort animé et beaucoup de riverains tenaient à ce qu’il demeure en l’état.

Esthétiquement parlant, il ne manquait pas d’intérêt. Sa déclivité et son étendue relativement importante (60m. x 150m.) jouxtant les pavés séculaires de la rue du Château d’Eau (qui ont fait l’objet d’un classement) et la végétation formant sa limite nord donnait au site un caractère pittoresque et champêtre certain.

Des habitants et plusieurs comités de quartier avaient déjà pu, à la suite d’une longue lutte, obtenir le classement de la section pavée de la rue du Château d’Eau qui relie le Dieweg à la chaussée de St Job.

Entre-temps, des projets de lotissement pour le champ avaient été avancés mais chaque fois recalés. Cependant, en 2013 un nouveau projet avait été accepté par la Région bruxelloise. Mais le promoteur avait retiré son projet après que des riverains et même la Commune aient introduit un recours au Conseil d’Etat.

Deux ans plus tard pourtant, une nouvelle demande fut déposée par le lotisseur qui avait modifié légèrement son projet initial. Une pétition avait pu rassembler 700 signatures qui s’opposait à ce que beaucoup trouvaient comme un projet démesuré, particulièrement en ce qui concernait la densité du bâti. Finalement, moyennant certaines modifications, le projet a été accepté après une réunion de la Commission de Concertation de septembre 2016.

Quel enseignement peut-on tirer d’une telle affaire ?

  • 1) Lorsque les intérêts immédiats des personnes concernées (ici les riverains) sont mis en danger, la mobilisation des acteurs est relativement facile à réaliser. Il est possible que le nimbysme ( Nymbisme : Ce (relatif) néologisme provenant d’un acronyme anglais ( [1]) ne soit pas absent chez certains, mais après un certain temps et en discutant du problème avec les autres, ce nimbysme peut laisser la place à un regard fondé sur l’intérêt général : ce terrain est constructible, une certaine densification est inéluctable ; tâchons de la rendre acceptable.
  • 2) Une ou plusieurs personnes « leaders » parmi ces riverains peuvent susciter et canaliser l’ensemble des plaintes pour jouer le rôle de « porte-parole » auprès des autorités concernées, et encore distribuer un toutes boîtes ainsi qu’écrire dans notre périodique pour alerter un maximum d’Ucclois.
  • 3) Quant au résultat : à première vue, on peut considérer que pour les habitants et les comités qui se sont opposés au projet, il s’agit d’une défaite. Le dernier projet, quoique légèrement modifié, a finalement été accepté contre l’avis de la majorité des personnes qui sont intervenues.

A y regarder de plus près on doit pouvoir quand même apporter quelques nuances à ce verdict. Les projets antérieurs recalés et le projet accepté finalement mais amendé l’ont été parce que l’opposition a été significativement forte et déterminée.

Si cette opposition n’avait pas été aussi consistante et tenace, peut-être que les autorités n’auraient pas été aussi attentives à ce que le projet des promoteurs soit le plus conforme possible aux règles urbanistiques assez contraignantes en vigueur aujourd’hui. Il ne faut pas remonter très loin dans le passé bruxellois pour constater que des constructions mal pensées (hors gabarit, en rupture totale de style, de mauvaise qualité technique etc.) et aux conséquences négatives sur leur environnement immédiat ont été érigées sans que les riverains se soient exprimés d’une façon ou d’une autre lors de l’élaboration et de la présentation des projets de construction.

Si l’on veut dépeindre la situation autrement qu’en noir ou blanc, avec des gagnants et des perdants, on peut admettre qu’en l’occurrence la lutte des riverains contre ce projet n’a pas été inutile. Elle a encouragé l’administration régionale et communale à exiger de la part des promoteurs qu’ils révisent une série d’éléments afin que le projet définitif soit conforme aux besoins et nécessités techniques et urbanistiques contemporains.

Cela peut paraître un maigre résultat aux yeux des plus exigeants des opposants mais il faut garder à l’esprit que le site dans son ensemble n’a jamais fait l’objet d’une demande de protection comme ont pu l’être d’autres sites proches comme le Kinsendael ou le Keyembembt, par exemple, qui ont bénéficié d’un classement pour des raisons écologiques et historiques.

En outre, cette partie sud d’Uccle bénéficie déjà d’un grand nombre d’espaces vert de qualité. Et quand on sait que la Région bruxelloise fait pression sur les communes pour qu’elles encouragent la densification de l’habitat bruxellois, on peut comprendre que les autorités dans leur ensemble sont enclines à favoriser la concrétisation de ce type de projet.

  • 4) Dès que l’affaire est clôturée, la démobilisation est généralement immédiate. C’est normal car une bonne partie des gens qui se mobilisent le font face à un « danger » qui se présente directement sous leurs yeux.
    Seuls ceux qui ont une motivation citoyenne à plus long terme ont tendance à se revoir à l’occasion d’autres problèmes ou pour d’autres causes pour lesquelles ils ne sont pas forcément impliqués directement.
  • 5) C’est ici alors que les comités de quartier peuvent jouer un rôle fédérateur avec une petite structure plus ou moins formelle ayant pour objectif d’entretenir un dialogue, parfois critique, avec les autorités représentatives.

Christian Hubin

Comité Coteau du Dieweg

12 décembre 2017