LA VOITURE ÉLECTRIQUE EST-ELLE VRAIMENT « ZÉRO ÉMISSION » ?

Les véhicules à moteur thermique, et en particulier diesel, n’en finissent pas de défrayer la chronique ; les véhicules à propulsion électrique seraient-ils donc « la solution » qui va permettre de continuer à utiliser la voiture, sans polluer ?

Les responsables politiques, poussés dans le dos, en particulier par le « dieslegate » et les scandales qui en font partie proposent des mesures fiscales et des aménagements divers (bornes de recharge, parkings spécifiques..) pour encourager leur utilisation ; des zones de basse émission sont mises en place dans les villes, pour en exclure progressivement les véhicules diesel et essence les plus polluants.

Les constructeurs se mettent au vert, greenwashing et arguments commerciaux à l’appui ; investissent massivement pour développer des voitures électriques, qu’ils appellent « véhicules propres ». Le marché qui s’annonce sera particulièrement profitable, et tous veulent en être.

Mais ces voitures dites « zéro émission » sont-elles réellement aussi propres qu’on veut nous faire croire ? Sans doute, si on se limite à constater qu’à l’usage ces véhicules n’émettent que peu ou pas de polluants, présentent un meilleur rendement énergétique que les moteurs thermiques, et permettent de réduire la dépendance de nos pays à l’égard du pétrole importé.

Les émissions polluantes de la voiture électrique

Mais ce constat perd de sa valeur et sa pertinence si on analyse la totalité du cycle de vie d’un véhicule électrique, « du berceau à la tombe ».
 La construction d’un véhicule électrique est deux fois plus énergivore qu’un véhicule thermique : elle rejette en moyenne 6,6 tonnes équivalentes CO2, dont près de la moitié pour la fabrication des batteries, alors que celle d’un véhicule thermique en émet 3,8 tonnes.

 Les batteries utilisent des métaux rares dont l’extraction est faite dans des conditions humaines et environnementales dégradantes et nocives, que ce soit l’extraction du cobalt au Congo, du lithium dans l’Altiplano andin et au Chili, du graphite en Chine. Et dont les réserves seront rapidement épuisées, ce qui entraînera fatalement de nouvelles prospections et exploitations avec des conséquences environnementales toujours plus négatives. Ainsi, l’extraction du lithium nécessite d’importantes quantités d’eau, ce qui a pour résultat d’assécher les nappes phréatiques dans une région où l’eau est un enjeu crucial. Ce qui revient à déplacer les pollutions d’un endroit à l’autre de la planète.

 Le recyclage des batteries en fin de vie reste encore embryonnaire et exige beaucoup d’énergie, plus que pour produire des batteries neuves.

 En outre, une récente étude française (Airparif) a démontré que 41% des particules fines émises par le trafic routier en Île de France provient de l’abrasion des pneus, du revêtement routier, des freins.

La production d’électricité

 La manière dont est produite l’électricité est aussi un facteur déterminant dans le cycle de pollution d’un véhicule électrique. Pour l’année 2017, le mix énergétique de production d’électricité en Belgique (c’est à dire la répartition des diverses sources utilisées pour produire de l’électricité) était de 58% pour le nucléaire, 32% pour les énergies fossiles et autres, et 10%, pour le solaire et l’éolien. C’est dire qu’une voiture électrique roule, de manière indirecte, au nucléaire, au gaz ; au charbon dans certains pays (Allemagne, Chine, USA..), ce qui alourdit son bilan énergétique. Et dans le cas d’une reconversion massive du parc automobile à l’électricité, combien de centrales supplémentaires faudra-t-il prévoir ?

Quelle mobilité urbaine ?

Alors, le véhicule électrique est-il une réponse, ou « la » réponse aux multiples problèmes de pollution et de mobilité urbaine ? Sous certaines conditions, ce véhicule peut trouver sa place parmi les modes de déplacements urbains. Et ceci dans la mesure où l’électricité sera produite de manière renouvelable et que les batteries seront fabriquées à partir de matériaux dont les impacts environnementaux et socio-économiques seront moins nocifs.

Mais le véhicule électrique ne change pas la problématique de la mobilité urbaine. La congestion automobile restera la même ; et que la voiture soit à propulsion électrique ou thermique, la grande majorité de l’énergie consommée sert principalement à déplacer le véhicule, ce qui reste irrationnel.

La mobilité urbaine doit être repensée, réorientée par une large priorité accordée aux transports en commun (fréquences, réseau), la marche, le vélo ; par la généralisation des véhicules partagés (voitures et scooters électriques, vélos), ce qui implique d’abandonner progressivement le concept de la voiture qui est actuellement objet de possession. Ce n’est pas une technologie nouvelle, quelle qu’elle soit (véhicules électriques, voitures autonomes..) qui rendra nos villes plus vivables et moins polluées.

Mais bien la capacité et la volonté des citoyens et des responsables politiques - élus par ceux-là, ne l’oublions pas - à faire preuve d’innovations et à poser des choix pour réorienter notre manière de nous déplacer. C’est ici que les pouvoirs locaux, la commune d’Uccle en ce qui nous concerne, peuvent orienter, imposer la vision d’une mobilité plus collective, plus durable, moins polluante. Un défi lancé à celles et ceux qui gèreront la Commune après les prochaines élections communales.

François Glorie

11 juillet 2018