GLISSEMENTS URBANISTIQUES

Editorial paru dans La Lettre aux Habitants n°83, mars 2015.

Il est des dangers qui progressent de manière
insidieuse et qu’on ne perçoit qu’avec retard.

C’est vrai dans tous les domaines. Le sujet sur
lequel nous souhaitons attirer l’attention est celui
des règles urbanistiques.

En 1979 le législateur a jugé bon d’édicter des
règles pour cadrer le développement de la ville.
Il lui est apparu ensuite (en 2001 puis en 2013)
que l’outil devait être adapté. Or, que s’est-il
passé ? Qu’en voulant améliorer l’outil – et cette
amélioration est réelle sur certains points – le
législateur l’a également affaiblit, lui a retiré de
sa rigueur. Ceci provient de ce que de plus en plus
souvent le pouvoir politique ne veut plus de règles
contraignantes, de règles qui l’empêchent de faire
ce qu’il veut, quand ce n’est pas de faire ce que
les promoteurs immobiliers lui soufflent et qui ne
correspond pas toujours à ce que voudrait l’intérêt
général.

Parallèlement, la pratique administrative révèle
de plus en plus de tolérance dans l’examen des
demandes en urbanisme et en environnement
ainsi qu’une tendance à interpréter les textes de
façon extensive. Les exceptions se multiplient au
point que parfois on se demande si l’exception
n’est pas devenue la règle. On assiste alors à une
déréglementation.

Certes, la ville doit évoluer et les règles d’hier ne
sont peut-être plus pertinentes aujourd’hui. Nous
voulons toutefois attirer l’attention des décideurs
sur les conséquences de leurs décisions. Pour
cela, il faut prendre du recul et voir à long terme.
Quand on se limite à prendre des décisions coup
par coup, il est difficile de voir le résultat global.

Prenons l’exemple des intérieurs d’îlots : le pouvoir
politique considère et affirme même qu’en
principe il faut les préserver. Or, que constate-ton
 ? Que le plus souvent, à tort ou à raison, une
construction y est autorisée.

Autre exemple : celui des terrains de sports. La
règle légale est qu’on ne peut y construire – et à
concurrence de maximum 20% de la superficie –
que des installations nécessaires à l’affectation
sportive, accessoires à la fonction principale.

Autrement dit que 80% doit rester vert. Or, que
voit-on de plus en plus souvent ? Non seulement
que des infrastructures couvertes « mangent »
plus de 20% de la zone (ce qui n’est qu’un moindre
mal quand il s’agit d’infrastructures sportives, qui
permettent le sport même par mauvais temps)
mais aussi que des constructions étrangères au
sport y sont autorisées.

Quand on permet à une clinique de construire
une annexe psychiatrique sur un terrain de sport
au motif que le sport participe à la thérapie, réalise-
t-on que la règle légale est violée, que c’est
le sport qui devient l’accessoire de la clinique et
non le contraire ? Du point de vue médical, c’est
heureux, mais du point de vue urbanistique, c’est
un dangereux précédent. Quand on autorise la
construction d’un hôtel dans une zone réservée
au sport, peut-on vraiment affirmer qu’il s’agit
de « travaux … nécessaires à l’affectation de la
zone » ? Comme si un hôtel à l’extérieur de la zone
était impossible à cause de l’équipement sportif à
transporter ? Encore un fâcheux précédent ?

Si on autorise ici quelque chose, pourquoi et comment
le refuser là ? C’est ce glissement insidieux
qui est inquiétant car quand on comparera la ville
de demain avec celle d’hier, on se demandera
comment nous avons été si peu clairvoyants.

Tout ce que nous demandons, c’est que le pouvoir
politique respecte la réglementation, sa propre
réglementation, en n’accordant d’exceptions …
que dans des cas exceptionnels, et aussi – osons
le dire – ne cède pas aux pressions de certains
promoteurs immobiliers plus intéressés par leur
intérêt personnel que par celui de la collectivité.

Et que ce pouvoir politique n’en veuille pas au secteur
associatif de tirer la sonnette d’alarme ; c’est
son rôle ! Lisez l’article qui suit sur le PRAS : il
approfondit la matière. Et celui qui vient ensuite :
il traite du devenir du domaine Pasteur.

Denys Ryelandt