Editorial : l’ACQU et IEB

Article paru dans la Lettre aux habitants n° 63, mars 2010.

Uccle a beau être grande, elle n’est cependant qu’une des 19 communes bruxelloises et son développement ne peut se concevoir de manière isolée. Notre association, née en 1974, et qui fédère 18 comités de quartier sans oublier 13 antennes de quartier, fait donc partie depuis le début de l’asbl INTER-ENVIRONNEMENT BRUXELLES (IEB), l’association qui fédère quelque 80 comités de quartier et associations spécialisées disséminés dans la Région de Bruxelles – Capitale, et qui a été fondée en 1973. C’était l’époque où tout devait être créé pour que les habitants se solidarisent et puissent faire entendre leur voix au monde politique et en particulier exprimer de quelle manière ils voyaient le développement de leur ville. Loin d’être des mouvements de contestataires – comme aiment hélas parfois à le prétendre certains politiques – IEB et l’ACQU se sont toujours voulus contradicteurs d’élus. Ce n’est pas parce qu’on a élu des parlementaires et des mandataires communaux qu’on leur a pour autant donné un blanc-seing ! L’important est que les uns et les autres oeuvrent pour le développement le plus harmonieux possible de notre cité.

Si les liens entre IEB et ses membres, dont l’ACQU, ont été extrêmement étroits les premiers temps, ils se sont ensuite effilochés. Les fils se sont distendus lentement, sans qu’on en prenne vraiment conscience au début. La solidarité entre les membres était forte au commencement, puis s’est atténuée et certains membres se sont même montrés de plus en plus autonomes de leur association faîtière. Cette autonomisation s’explique par différents facteurs :

 certains membres se sont spécialisés et ont moins ressenti la nécessité de rester groupés,

 d’autres n’ont plus éprouvé un réel besoin des autres parce qu’ils n’étaient plus confrontés à de grandes difficultés,

 certains acquis, comme par ex. l’obligation d’organiser des enquêtes publiques dans certaines circonstances, ont permis aux habitants de mieux se faire entendre,

 la naissance en 1989 de la Région de Bruxelles – Capitale a rapproché le pouvoir politique des habitants, avec pour conséquence que ces derniers voyaient moins l’utilité de recourir à de l’aide extérieure, sauf en cas de gros problème.

A ces éléments, qui sont loin d’être exhaustifs, on peut ajouter des raisons d’autonomisation propres à IEB :

 alors que son équipe du début ne comportait que 2 ou 3 bénévoles, même pas à plein temps, elle a compté de plus en plus de salariés - actuellement l’équivalent de 15 personnes à temps plein - dirigés par un secrétaire général ; une telle équipe peut se suffire à elle-même et éprouve donc moins le besoin de recourir à ses membres,

 cette équipe s’est spécialisée dans des domaines importants, parfois très techniques et juridiques : l’urbanisme, le logement, la mobilité, les espaces verts, la gestion des eaux, la privatisation des services publics, la création d’un plan particulier d’aménagement du sol, ... ; l’équipe a donc pris l’habitude de travailler seule ;

 cet aspect est renforcé par le fait qu’au fil des ans, IEB – qui reçoit des subsides pour accomplir sa tâche d’éducation permanente – s’est vu sollicité par le pouvoir politique pour des missions d’études sur les problèmes les plus divers ; ceci n’affecte en rien sa parfaite indépendance à l’égard du pouvoir, mais explique en partie la spécialisation.

D’une manière compréhensible, il s’est révélé assez difficile dans ces conditions de motiver des membres à être aussi actifs au sein de l’association centrale que dans le passé.

Il n’empêche : pour un comité de quartier ou pour une association spécialisée (protection de la nature, du patrimoine architectural ...), être membre d’IEB est important et procure une visibilité dont on a parfois besoin, que ce soit vis-à-vis du pouvoir politique ou des medias. Et répétons que, quand un dossier de grande ampleur est mis à enquête publique, l’assistance experte d’IEB est évidemment bienvenue.

Au sein d’IEB, certains se sont rendus compte que cette autonomisation risquait à terme de mettre en question la légitimité de la formule fédérative, c’est-à-dire reposant sur ses comités et associations membres, et par là même du projet de ville voulu par IEB.

C’est ainsi que, pendant la 1ère moitié de 2009, un groupe de travail s’est penché sur le passé d’IEB, a examiné comment l’association avait fonctionné pendant 36 ans : évolution du rapport de forces entre l’A.G., le C.A., l’équipe et le secrétaire général, assistance des membres aux réunions, examen des p.v. des réunions, diminution du nombre de bénévoles au profit de salariés, analyse du périodique (thèmes privilégiés, tirage, public cible, rédacteurs…).

Ce constat établi, il a été décidé d’avoir une année expérimentale afin de clarifier les choses et de se repositionner sur les 3 points suivants :

 apprendre à construire une position collective sur la ville, ses enjeux et la stratégie d’action à mener ;

 interroger la position d’IEB dans la société civile, son rapport au pouvoir politique (qui est aussi son pouvoir subsidiant), ainsi que son rapport aux medias (propres ou généraux) ;

 apprendre de nouvelles manières de faire, s’organiser différemment en repensant la structure existante et le fonctionnement de la fédération pour faire en sorte que chacun y trouve sa place.

Quatre sous-groupes, travaillant de manière transversale, ont été constitués pour réfléchir sur :

  1. la communication, ou plus exactement les outils de communication (périodique, newsletter, communiqués de presse, site internet ...) ;
  2. le contre-pouvoir, compris comme déjà dit, c’est-à-dire comme « contradicteurs d’élus » ;
  3. la densification de Bruxelles : pourquoi densifier ? où et jusqu’à quel point ? en faveur de qui densifier ? etc...
  4. la gentrification, néologisme qui recouvre divers processus qui risquent de conduire à l’éviction des habitants des quartiers populaires au profit d’une population plus aisée : lutter contre la dégradation d’un quartier est en soi une bonne chose, mais elle peut entraîner une hausse des valeurs immobilières en l’absence de dispositions de régulation.

Ces 2 dernières thématiques sont au cœur du projet d’IEB et amènent à s’intéresser à des problèmes connexes : la mixité, la ghettoïsation, la participation des habitants et donc l’éducation permanente, le « nimbysme » ou rejet des nuisances chez le voisin, etc... Ces thèmes sont très complexes et source de discussions et même de dissensions.

Ce travail est en cours, et ce n’est que vers la fin 2010 qu’on pourra en tirer les leçons.

Pourquoi évoquer ici ce qui se passe ailleurs ? Pour deux raisons : d’une part, parce que la vie de notre association faîtière nous concerne, même si nous ne le réalisons pas fort, et, d’autre part, parce que le constat effectué chez IEB pourrait, dans une mesure évidemment réduite, se révéler semblable à l’ACQU.

Nous ne manquerons donc pas de revenir sur tout ceci dans une prochaine Lettre.

Denys RYELANDT
Vice-président de l’ACQU
Administrateur d’IEB