Billet d’humeur : Quand la voiture détruit le village .

Il y a un peu plus de 30 ans que nous avons débarqué
rue du Coq avec armes et bagages. Un petit
coin bucolique au fin fond d’Uccle, un esprit de village,
voilà ce que nous avons trouvé. Nous étions
à la campagne. Bien sûr, le dimanche, la rue était
embouteillée à la sortie de la messe à cause du
double sens de la circulation automobile. Mais
les enfants étaient en sécurité, jouaient au tennis
sur le mur de l’église sous le regard des parents
discutant le coup ou mettant du vin en bouteille
sur le trottoir. Il faisait bon vivre dans le quartier.

Au fil des temps, l’augmentation continue du trafic
automobile dans notre rue et les petites rues avoisinantes
changea totalement l’esprit de ce village.
Quand, en 2008, la Commune aménagea le plan
communal de mobilité, (demandé par la Région et
étudié par la société Tritel), ce fut catastrophique
pour la rue du Coq car le plan ne fut réalisé qu’à
moitié tellement la pression des automobilistes
était forte
. En effet, si le bureau Tritel avait compris
que la seule façon de limiter le trafic dans
le quartier était de couper les axes de traversée,
(d’où aménagement d’une chicane après le virage
de la rue du Château d’Eau), certains habitants
et navetteurs pressés n’acceptèrent jamais les
déviations et sens interdits imposés. Alors la
Commune préféra enlever la chicane de la rue du
Château d’Eau plutôt que de verbaliser les automobilistes
imprudents.

Et là cela a été l’enfer : plus de 400 voitures par
heure le matin. OK, les rues furent mises à 30
kms/ heure, mais en dix ans, pas un seul contrôle
de vitesse. Des coussins berlinois furent placés,
pour freiner les voitures. Mais beaucoup ré-accéléraient
aussi vite. C’est si important de gagner
1/millième de seconde au bout de la rue. Ne vous
aventurez pas à rouler à du 30 kms/h ou vous
aurez droit à des coups de klaxons.

Je me rappelle cet échevin qui me promit en 2007
l’installation d’un afficheur de vitesse, dès que les
nouveaux appareils arriveraient… ; nous attendons
toujours.

Les relations du quartier se sont distendues. Nul
ne discute sur le trottoir en respirant le CO2 et
les particules fines, aucun enfant ne s’aventure
encore à s’amuser en rue. Le quartier meurt de
sa petite mort. Bien sûr, avec d’autres des rues
avoisinantes, les derniers des mohicans, nous
nous battons pour faire reconnaitre nos droits.
Mais entre une Commune qui se désintéresse du
quartier et une Région qui dit ne pas pouvoir intervenir,
rien ne se passe. Oui, nous sommes devenus
« quartier durable », nous avons développé,
ensemble, un projet pour « Toolbox mobilité »,
toujours bloqué par la Commune une fois de plus.
Et nous continuerons.

Savez-vous que deux ICR (itinéraires cyclables
régionaux) passent par le quartier. Jadis ils étaient
indiqués par des vélos peints sur la voirie, mais
quand celle-ci fut renouvelée, ils disparurent. En
2010 nous avons demandé à l’échevin de les remettre.
C’était facile pourtant et ne prendrait que
quelques jours. Mais une fois de plus « Soeur Anne
ne vit rien venir ». Pire, lorsque, avec le GRACQ,
nous avons peint nous-mêmes les « logos vélos »,
ils furent retirés en 24 heures. Comme quoi,
quand il s’agit de donner la priorité à la voiture les
choses vont vite.

Notre Commune préfère que les cyclistes roulent
chaussée d’Alsemberg, entre les voies de tram,
alors que tout le monde, excepté peut-être les
conducteurs de 4X4, sait que les rails sont les
pires ennemis des cyclistes. Combien de morts
faudra-t-il avant de les faire changer d’avis ?

En voyant le film « DEMAIN », je me suis mis à
rêver de retrouver ce petit coin tranquille, où les
voisins se saluent, discutent le coup ensemble
et s’entraident. Comment faire, alors que nous
avons la profonde impression d’être abandonnés
par nos élus qui ne pensent qu’aux beaux quartiers
 ? Il faut que la lutte continue et s’étende.

Christian Verstraete,
Un Habitant de la rue du Coq

8 avril 2016