Les jardins pédagogiques et les jardins partagés : LES ENJEUX ACTUELS ET FUTURS.

Article paru dans La Lettre aux Habitants n°84, juin 2015


Une conjoncture de crise


Malgré quelques belles initiatives des autorités tant régionales que communales, force est de constater
que l’urbanisation progressive du territoire combinée aux effets de la crise économique (on valorise
financièrement tout ce qui peut l’être) réduit de plus en plus les possibilités potagères et maraîchères en
ville. Du fait d’une plus grande rareté du terrain à bâtir, de nombreux reliquats de terrain, déconsidérés
par le passé du fait de leur exiguïté, leur enclavement, leur oubli ou leur inaccessibilité (le long des
chemins de fer, en intérieur d’îlot, etc...), ont soudainement pris ces dernières années une valeur
foncière inattendue.

A moins d’être protégés par un statut particulier tels que les potagers gérés par l’autorité publique ou par
certaines écoles, un bon nombre de potagers occupent de manière précaire et temporaire ce que les
techniciens de la ville appellent volontiers des "friches urbaines" ou des "dents creuses". Même les
intérieurs d’îlots sont aujourd’hui menacés ! Ce principe de l’occupation précaire, même s’il permet la
réalisation de projets, qui sans cela ne pourraient pas voir le jour, n’en est pas moins une solution
boiteuse. Elle est inévitablement accompagnée d’un certain stress lattant lié à l’idée du futur départ
forcé.

Cette conjoncture de crise explique pourquoi plusieurs potagers collectifs ont disparu ou sont menacés de
disparition. On peut le regretter car ces espaces n’ont jamais été aussi importants que dans la ville
d’aujourd’hui. La grande majorité des Belges vit sur un mode urbain et "décontextualisé". La nature y a de
plus en plus tendance à n’être considérée que pour son rôle paysager et récréatif. Le potager reste un des
derniers lieux où l’homme peut être en contact direct avec la nature, avec la terre.


Nécessité d’une solution structurelle et réglementaire


C’est pourquoi il faudrait impérativement qu’une solution structurelle et réglementaire soit mise en place
afin d’assurer de manière pérenne le développement du secteur maraîcher et potager en Région
Bruxelloise. Et cela non pas seulement sur des terrains publics (Keyenbempt, Avijl, etc.) mais également
sur des terrains privés, non pas seulement en périphérie mais également dans les quartiers plus denses
de la ville. Dans ce sens, il nous parait essentiel qu’au sein de tout nouveau projet immobilier
d’envergure soient inclus des espaces destinés au jardinage ou du moins au compostage collectif.

La reconversion de la clinique Edith Cavell en complexe de logements pourrait être exemplative à ce
propos. Le défi est d’autant plus ambitieux que le site est situé au sein d’une zone urbaine densément
bâtie où le manque de tels espaces est criant. Créer un coin compost devrait être un automatisme à
l’instar de l’établissement d’un parking vélo, d’une zone de déchargement, d’un hall d’entrée ou tout
autre espace d’utilité collective.


Réappropriation d’espaces urbains en faveur du maraîchage


Notons qu’il existe en région bruxelloise un mouvement important qui vise à la réappropriation d’espaces
urbains en faveur du maraîchage. Un des acteurs est l’asbl « Le Début des Haricots » mais il y en a
d’autres comme le mouvement des « Patatistes » au Keelbeek à Haren (www.luttespaysannes.be). Il faut
que Commune et Région encouragent ce mouvement. Il n’y a pas encore d’exemple concret à Uccle mais
il commence à y avoir pas mal d’initiatives prometteuses à Anderlecht, Watermael, Neder-Over-
Heembeek, Haren etc. Il y aurait peut-être une possibilité au Kauwberg ?


Espaces en lutte pour leur sauvegarde à Uccle


LES POTAGERS DE L’AVENUE PRINCE DE LIGNE.

Les terrains concernés, situés le long de la voie ferrée (aux abords de la gare du Vivier d’Oie) étaient
propriété de la société des Chemins de Fer Belges (Infrabel). Alors qu’il aurait été utile de conserver cet
espace pour le développement futur du réseau, les terrains ont été inconsidérément vendus à un
promoteur privé. Si les habitants sont toujours en lutte contre le projet immobilier (recours), ils ont dû
abandonner leurs parcelles potagères pourtant occupées depuis de nombreuses années. Les travaux
n’ont pas encore commencé mais au début du mois de mai 2015 le terrain a été défriché.

LES POTAGERS DU PLATEAU AVIJL.

Il s’agit de terrains appartenant à la Commune. Une partie des terrains est désormais dévolue à des
projets immobiliers mais une part importante des zones potagères a été préservée.

La Commune a mis en place un plan de réaffectation des parcelles dans le but d’améliorer la gestion du
site et de permettre à un plus grand nombre d’habitants de s’adonner à une activité potagère. Par
ailleurs, le site est maintenant partiellement classé.

LE KAUWBERG

Le Kauwberg est ponctué de plusieurs parcelles potagères. Le site a finalement été classé après de
longues années de lutte mais le combat reste d’actualité. Les propriétaires se battent toujours afin
d’obtenir une compensation financière suite à la perte de valeur foncière du terrain qu’ils espéraient à
l’origine pouvoir lotir.

Espace potager au Kauwberg le long de l’avenue Dolez (Photo ACQU mai 2015)

LE CHAMP À L’ANGLE DE LA RUE DU CHÂTEAU D’EAU ET DE LA CHAUSSÉE DE
SAINT-JOB.

Il ne s’agit pas d’un potager ni d’un espace participatif mais du dernier vestige de l’activité agricole à
Uccle. Le champ est toutefois affecté en zone constructible et plusieurs projets de lotissement y ont déjà
été proposés sans qu’aucun n’ait toutefois encore abouti. Une bande du terrain est néanmoins non
constructible car longeant la portion classée de la rue classée du Château d’Eau. Les comités de quartier
avoisinants aimeraient y voir se développer un potager et/ou un verger à vocation participative et
pédagogique.

LES POTAGERS ET LE CENTRE DE DÉMONSTRATION DE COMPOSTAGE DE LA RUE
DE STALLE.

Les travaux à front de la rue de Stalle sont en voie de finalisation pour la construction d’un bâtiment à
l’usage des services communaux. On peut regretter, suite à ces travaux, la réduction du nombre de
parcelles potagères (de 20 à 7). Par contre le déménagement et la réaffectation du site de démonstration
peu fréquenté en compost de quartier nous paraît une excellente idée.

LE VERGER DU HOME BRUGMANN, RUE EGIDE VAN OPHEM.

Il semblerait que le home Brugmann soit condamné à fermer prochainement ses portes (et déménager)
au vu de la vétusté du bâtiment. Dans l’hypothèse d’une vente du terrain, qu’adviendra-t-il du très beau
verger qui s’y trouve ? Pourrait-on espérer sa sauvegarde et son intégration dans un projet d’exploitation
à caractère écologique, collectif et pédagogique ?


Quelques exemples emblématiques ailleurs en Région Bruxelloise


LE JARDIN DES TANNEURS À BRUXELLES -VILLE.

Cet espace situé le long de la rue des Tanneurs dans les Marolles était en friche depuis 30 ans. Il fut
récemment et magnifiquement aménagé en espace potager et de rencontre par les habitants du quartier.
Le projet ne vécu toutefois que très peu de temps car ce potager fut détruit afin d’y construire quelques
logements sociaux à l’initiative du Foyer Bruxellois. Les initiateurs du jardin ainsi que les riverains en
furent d’autant plus choqués que des logements sociaux vétustes et inoccupés se trouvaient à quelques
mètres de là. Aujourd’hui les habitants sont à la recherche d’autres espaces en vue d’y recréer un projet
de cohésion sociale similaire.

LES POTAGERS ERNOTTE À IXELLES

Ensemble de potagers individuels exploités depuis 1920 et situés sur un terrain de la commune d’Ixelles à
la limite avec Watermael-Boitsfort. Cette zone s’est déjà vue amputer de quatre hectares. Quatre autres
hectares restent promis à la spéculation immobilière. Après une période de dialogue avec la Commune
dans l’optique d’un projet alternatif, celle-ci semble maintenant sourde à toute concertation.

Potager Ernotte à Ixelles
(Photo nuages.skynetblogs.be - juillet 2013)

LE KEELBEEK À HAREN

Les défenseurs de la zone verte du Keelbeek (18 hectares), menacée suite au projet de construction d’une
méga-prison, sont à la base d’une demande de moratoire sur tous les projets qui impliquent la
destruction des sols bruxellois. Ils exigent l’organisation d’une consultation populaire régionale sur la
place de la nature en ville. Ils sont également demandeurs pour la création de zones de maraîchage en
région bruxelloise.


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1er juin 2015