Un environnement sous protection

Article paru dans La Lettre aux Habitants n°85, septembre 2015

Avec l’aimable autorisation de l’asbl Inter-Environnement Bruxelles – dont l’ACQU est
membre – et de Sophie Deboucq, nous reproduisons l’article qu’elle vient de consacrer
dans Bruxelles en Mouvements (n° 277 de juillet – août 2015) à la protection des réserves
naturelles existantes dans la Région bruxelloise. Uccle est loin d’en être absente !

Bruxelles, une ville inégalement verte mais dotée
de réglementations diverses pour conserver
différentes formes de nature présentes en son sein.
Penchons-nous sur le cas des réserves naturelles
et du réseau écologique européen « Natura 2000
 ».

Les réserves naturelles et forestières, le réseau
européen « Natura 2000 » et le classement de site
à conserver pour leur valeur patrimoniale [1] sont
les protections réglementaires les plus strictes et
avancées actuellement.

LES RÉSERVES NATURELLES

La création de zones protégées date de 1973 [2] avec
la première loi sur la conservation de la nature.

Mais c’est seulement en 1989, lors de la création
de la Région bruxelloise, que les premières
réserves naturelles ont pu être désignées. On
recense actuellement 14 réserves naturelles et
2 réserves forestières [3] Une réserve naturelle est
soit intégrale et se définit comme un « site protégé
créé dans le but d’y laisser les phénomènes naturels
évoluer selon leur dynamique propre » [4], soit
dirigée et se définit alors comme « un site protégé
dans lequel une gestion appropriée tend à maintenir
ou à rétablir dans un état de conservation favorable
les espèces et habitats naturels » [5]. La gestion est
donc différente.

Les réserves naturelles sont généralement gérées
par la Région qui les détient soit en propriété soit
en gestion. Certaines font l’objet de convention de gestion impliquant des associations de protection
de la nature comme dans le cas du Moeraske à
Schaerbeek. Toutefois, il est possible pour un ou
plusieurs propriétaires autre que la Région de
solliciter le statut de réserve et d’en avoir la gestion,
c’est alors une réserve naturelle agréée, c’est le
cas du Vogelzangbeek qui depuis 2009 est co-géré
par la commune d’Anderlecht, l’association CCN
Vogelzang et Bruxelles Environnement.
Le statut de réserve naturelle est le statut de
protection le plus strict en matière de conservation.
Il est par exemple prohibé sur ces zones
« d’ériger, même temporairement, des bâtiments
(…), de procéder à des activités récréatives (…) » [6].

Tandis que « Natura 2000 » se concentre sur la
préservation d’espèces et de biotopes sensibles
spécifiques et non sur l’entièreté de la richesse
biologique présente.

RÉSEAU ÉCOLOGIQUE EUROPÉEN « NATURA 2000 »

Face aux pertes de biodiversité et à la crise
environnementale croissante, la Commission
européenne s’est dotée d’une législation en
matière de conservation de la nature à partir de
la fin des années 70 qui a été renforcée par les
objectifs fixés au Sommet de la Terre de Rio de
Janeiro en 1992. Au travers de deux directives,
« Habitats » et « Oiseaux », l’Union Européenne
aspire à assurer la biodiversité par la conservation
des habitats naturels ainsi que de la faune et de
la flore sauvages par la constitution du Réseau
européen « Natura 2000 ». Ce dernier rassemble
l’ensemble des « Zones de Protection Spéciale »
pour la directive « Oiseaux » et des « Zones
Spéciales de Conservation » (ZSC) pour la directive
« Habitats ».

Comme la Région ne rentrait pas dans les conditions
pour bénéficier de la directive « Oiseaux », elle a
proposé en 2002 à la Commission européenne
trois sites d’importance communautaire pouvant
faire l’objet d’une désignation comme ZSC
« Natura 2000 » dans le cadre de la directive
« Habitats ». Les ZSC suivantes ont été acceptées
et arrêtées par une décision de la Commission en
décembre 2004 [7] :

  1. La Forêt de Soignes avec lisières et domaines
    boisés avoisinants et la vallée de la Woluwe
  2. Les zones boisées et ouvertes au Sud de la
    Région – complexe « Verrewinkel – Kinsendael »
  3. Les zones boisées et les zones humides de
    la vallée du Molenbeek au nord-ouest de la
    Région – complexe « Laerbeek-Dieleghem-
    Poelbos-Marais de Jette et Ganshoren »

Depuis 2004, aucune protection n’est en vigueur
sur ces zones. L’adoption d’arrêtés de désignation
au niveau régional doit être opérée pour que
la protection offerte par « Natura 2000 » soit
effective. La Région a mis plusieurs années avant
de s’outiller d’un cadre légal transposant la
directive européenne « Habitats ». Dans les années
2000 [8], trois arrêtés ont tenté de transposer la directive mais ils étaient insuffisants et n’ont pas
porté leurs fruits. C’est seulement en 2012 avec
l’ordonnance Nature [9] que la Région a été capable
d’entamer les procédures de désignation des ZSC
« Natura 2000 » à Bruxelles. Par ailleurs, cette
ordonnance harmonise la législation en matière
de conservation de la nature en rassemblant une
grande partie des réglementations qui étaient
d’application.

C’est à partir de la désignation par la Région
des zones « Natura 2000 » qu’un plan de gestion
spécifique à la zone devra être adopté apportant
par ce biais une protection adaptée. Un plan
de gestion vise à maintenir en état la valeur
biologique présente sur un site. Il peut aller plus
loin en contenant des principes et mesures de
gestion nécessaires pour augmenter la valeur
naturelle et la biodiversité dans la zone.

Après presque dix ans d’attente et se rapprochant
des délais imposés par l’Union Européenne, la
Région bruxelloise a soumis à l’enquête publique
en mars 2015 un premier projet d’arrêté de
désignation, la ZSC 2 [10].

Toutefois, les objectifs de conservation fixés
dans le projet d’arrêté de désignation manquent
de précision et restent vagues alors qu’ils sont
déterminants pour l’élaboration du plan de gestion
qui sera le reflet de la valeur des objectifs adoptés
dans l’arrêté.

Diverses associations environnementales ont
réagit durant l’enquête publique pour pointer
l’importance de réfléchir à un plan de gestion en
collaboration avec les associations et comités
locaux dans le but de penser des objectifs de
conservation forts mais également de veiller à
combattre la fragmentation des habitats à l’origine
des pertes en biodiversité. En effet, l’absence et
la diminution des couloirs écologiques (liaisons)
entre les différents futurs sites « Natura 2000 »,
les réserves naturelles ou les autres sites dont
la valeur biologique est importante, impactent
négativement l’état de la biodiversité. Une
protection de ces liaisons est le corollaire de la
préservation des sites semi-naturels bruxellois.

Il existe une multitude d’outils législatifs visant à
protéger l’environnement à Bruxelles, le cas des
réserves naturelles et forestières ainsi que de
« Natura 2000 » sont des statuts qui peuvent se
superposer [11] et qui confèrent à différentes zones
de la ville une protection juridique. L’approche
réglementaire peut se scinder en deux, ces
deux statuts sont des protections dites actives,
qui, contrairement aux protections passives,
ne se contentent pas d’autoriser et d’interdire
mais complètent la protection juridique par des
mesures de gestion.

QUELLE PROTECTION POUR DEMAIN ?

L’Union Européenne a démarré récemment une
évaluation des directives européennes « Habitats »
et « Oiseaux ». Dans un contexte européen
enclin à favoriser les intérêts économiques,
les associations environnementales craignent
un recul dans la politique menée en la matière
(revue à la baisse des objectifs de conservation).
Pour alimenter cette évaluation, l’UE a lancé
une consultation citoyenne sur son site qui s’est
terminée le 24 juillet dernier. Il est à craindre une
diminution des contraintes environnementales en
faveur d’un développement économique foulant
au pied les intérêts d’un environnement sain.

Le réseau « Natura 2000 » représente une avancée
à portée limitée et dont la dimension contraignante
est potentiellement remise en cause. Il plane
aujourd’hui un sentiment d’incertitude dans un
contexte bruxellois où la conservation de la nature
doit faire face à la pression immobilière couplée
au défi de la densification. Les évolutions en cours
sont à questionner collectivement.

Sophie Deboucq, Inter-Environnement Bruxelles

1er septembre 2015