UCCLE : ENTRE VILLE ET CAMPAGNE.

Article paru dans la Lettre aux habitants n° 69, août 2011.

La densification : garant d’un développement « durable » ?

Uccle est connu pour ses nombreux espaces verts. Un luxe ou un privilège diront certains sans nécessairement se rendre compte à quel point cet écosystème fragile, qui profite bien plus qu’aux seuls Ucclois, est aujourd’hui menacé. Le potentiel foncier que constitue ces espaces encore d’aspect campagnard est alléchant. Aussi le débat du pour ou du contre de l’urbanisation et la manière dont on l’envisage, constitue évidemment un sujet de réflexion très tendancieux et très complexe. Quoi qu’il en soit, force est de constater que le développement actuel de la commune ne répond à aucun véritable projet ni urbain ni écologique.

Ci-dessus : La plaine du Bourdon lorsqu’elle était encore en "friche" (printemps 2010).

Le développement durable comme prétexte à l’urbanisation des derniers espaces verts d’Uccle.

Les promoteurs, architectes et autres maitres d’œuvres, mettent volontiers en avant le caractère durable de leurs projets dans la mesure où ils intègrent le principe de « densité ».

D’habitude est mis en avant les avantages matériels et écologiques que la « densité » permet d’atteindre tels que l’économie d’espace, la réduction des couts d’urbanisation et d’infrastructures, la diminution de la mobilité, etc..

En effet l’étalement de la société contemporaine est particulièrement néfaste pour l’environnement et coute par ailleurs très cher à la collectivité. Même si, au sein d’une cité pavillonnaire, chaque famille habitait une " super maison bioclimatique ", le contrecoup des transports, de la distribution, des infrastructures, des déchets, etc. annulerait rapidement les quelques bénéfices environnementaux.

Ainsi, quitte à réaliser de l’habitat, faisons le de manière dense en « ville » et non pas isolé à la “campagne”.

Mais qu’est-ce qui est véritablement ville et qu’est-ce qui est campagne ? La frontière n’est pas toujours aisée à saisir. Dans le cas d’Uccle, c’est la convention politico-administrative qui tranche : Uccle, que l’on aurait qualifié en partie de rural il y a encore cinquante ans, se trouve englobé en Région Bruxelloise, on y est donc en « ville ».

Il est vrai que les usages et les espaces ne peuvent plus véritablement y être classifiés de ruraux tant l’omniprésence d’une culture de type urbaine y influence le développement des formes et des pratiques. Mais cette remarque ne se limite évidemment pas aux communes de la région Bruxelloise. La véritable communauté urbaine déborde largement des frontières régionales (la plupart des belges vivent de « manière urbaine »).
Ainsi n’est il pas possible d’affirmer que la densité obtenue en « ville » constitue autant d’espace « vert » sauvegardé à la « campagne ». D’autant plus qu’il n’existe pas de véritables accords en matières urbanistiques entre les trois régions de notre pays (seules des initiatives extrarégionales, telles que Natura 2000 , arrivent à outrepasser nos démêlés régionaux).

Du reste, la densification, il faut bien l’avouer, est davantage un instrument de gestion pour augmenter la capacité foncière des derniers terrains disponibles - et fortement convoités - au sein de la région bruxelloise.

L’implantation d’à peu près 300 logements (à destination de la classe aisée) sur le plateau Engeland (6 ha de terrain) constitue un très bon exemple de l’incohérence qui existe entre théorie et réalité. L’urbanisation de ce site, actuellement boisé, à haute valeur écologique et faisant partie d’un ensemble bien plus vaste constitué de prairies et de bois (un patchwork invraisemblable de terrains vierges affectés soit en zone verte soit en zone constructible) pose question tant en matière de mobilité, de gestion de l’eau, ou encore de sauvegarde de la biodiversité. En ce qui concerne la mobilité, notons que le futur lotissement est complètement dépourvu de tout réseau de transport public, que le réseau viaire actuel n’est en rien prévu pour accueillir un apport de quelques 600 véhicules, et qu’enfin le projet ne prévoit aucune mixité urbaine (emplois, infrastructures d’accueil, ...).

Quiconque voudra y habiter sera forcément dépendant de sa voiture, ce qui ne fera qu’aggraver les difficultés liées à la mobilité. L’apport d’eaux usées découlant de ces 300 logements vers le réseau d’égouttage actuel pose question mais c’est surtout l’imperméabilisation importante du plateau, situé 80m au dessus du niveau de la mer, qui inquiète, vu les problèmes d’inondation que l’on connait en fond de vallée. les quelques dispositifs compensatoires prévus (bassin de lagunage, etc.) risquent d’être largement insuffisants d’autant plus qu’ils jouxtent la zone naturelle humide du Kinsendeal en contrebas qu’il convient impérativement de maintenir dans un état de conservation favorable en tant que zone de conservation Natura 2000 prioritaire. Pourtant on aura été prévenu !

Oui, ce projet constitue un lotissement "péri-urbain" supplémentaire qui ne profitera qu’aux investisseurs dont en premier lieux le propriétaire des lieux, la banque ING. Un recours devant le Conseil d’Etat a été introduit par des riverains du comité Plateau Engeland et l’asbl SOS Kauwberg dans la perspective d’obtenir par la suite un meilleur projet.

Ci-dessus : vue au plateau Engeland (Photo : Olivier Verteneuil)

19 juin 2011