Réchauffement climatique et survie de la planète

De Kyôto à Copenhague

Article paru dans la Lettre aux habitants n° 61, septembre 2009.

Un peu d’histoire

  • En 1992, se tenait le premier Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, sous l’égide des Nations Unies : les chefs d’Etat et de gouvernement qui y assistaient déclaraient avoir pris conscience de l’ampleur planétaire des défis environnementaux et de l’urgence qu’il y avait à entreprendre des actions coordonnées pour les relever. Pour la première fois, la solidarité et l’interdépendance des nations du monde à cet égard étaient reconnues au plus haut niveau politique. Une convention-cadre sur les changements climatiques était signée.
  • En 2002, les mêmes acteurs se réunissaient à Kyôto (Japon) pour tenter d’aboutir à un accord global sur les objectifs à atteindre : cela s’est traduit par le protocole de Kyôto, entré en vigueur en 2005 et qui visait à réduire les émissions de gaz à effet de serre (G.E.S.) de 5,2% d’ici à 2012.
  • En décembre prochain, le sommet de Copenhague est appelé à prendre des décisions cruciales qui engageront l’ensemble des pays dits industrialisés, émergents et en voie de développement à mettre en œuvre un programme global à long terme de lutte contre le réchauffement climatique. Pourquoi y a-t-il désormais urgence ? Parce qu’entre-temps ont été publiés deux rapports scientifiques au retentissement mondial : d’une part, celui du GIEC (Groupe intergouverne- mental d’experts sur l’évolution du climat) et d’autre part, celui de Nicholas STERN (Royaume- Uni), économiste et ancien vice-président de la Banque Mondiale, publié en 2006.
  • Le GIEC est une sorte de forum mondial regroupant quelque 2.500 experts venus du monde entier, qui ont abouti par étapes et par consensus à une série d’hypothèses aussi importantes que préoccupantes, et désormais communément admises. La première, c’est que c’est l’activité humaine qui est principalement responsable des changements constatés et à venir au niveau du climat et de notre environnement. Par ailleurs, si rien n’est entrepris pour ralentir et inverser l’évolution en cours, on peut s’attendre d’ici 2100 aux conséquences suivantes : hausse moyenne des températures de 2° à 6°C, fonte des glaces aux calottes polaires et sur les plus importantes chaînes montagneuses, élévation du niveau des mers entre 10 et 90 centimètres avec inondation subséquente d’un grand nombre de zones côtières et salinisation des terres cultivables. (Quand on sait que depuis la plus haute antiquité, ce sont les zones côtières qui ont permis le développement des civilisations et des économies les plus prospères dans l’histoire de l’humanité, on mesure l’ampleur de la menace). Accélération du processus de désertification qui soustrait chaque année des centaines de milliers d’hectares à l’ensemble des terres cultivables de la planète.
  • Le rapport STERN, commandité par le gouvernement britannique mais qui jouit lui aussi d’une audience internationale, s’est attaché à chiffrer le coût économique des effets du changement climatique et le rapport entre les bénéfices d’une action visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (G.E.S.) et le coût de l’absence d’action. Il en conclut que les bénéfices d’une telle action dépassent considérablement le coût d’une absence d’action, qui aurait en outre des effets irréversibles sur l’environnement.
  • Par ailleurs, deux personnalités de premier plan ont apporté une contribution essentielle à la prise de conscience collective des menaces qui pèsent sur nous : Al GORE, ancien vice-président américain devenu défenseur de première ligne de notre environnement, par sa participation au remarquable documentaire de Davis GUGGENHEIM « Une vérité qui dérange » (2006), projeté dans nos salles et aussi disponible en DVD, et Yann ARTHUS-BERTRAND, notamment par son superbe film « Home », diffusé tout récemment à l’échelle planétaire via un grand nombre de chaînes de télévision publiques, et disponible en DVD.

    Les enjeux de Copenhague

Que va-t-il se passer en décembre à Copenhague, toujours sous l’égide des Nations Unies ? Une vaste et difficile négociation entre les plus gros pollueurs – souvent les plus riches – et les autres pays, soit « émergents » (Chine, Inde, Brésil), soit « en voie de développement », pour aboutir à des compromis, tant en termes de réduction globale de la pollution en gaz à effet de serre (par exemple, moins 20% d’émissions de CO2 d’ici à 2020, comme s’y est engagée l’Union européenne) qu’en termes de répartition de quotas (c’est-à-dire de droits à polluer accordés à chaque pays). Les pays émergents ou en voie de développement refusent de consentir les mêmes efforts que les pays riches pour des raisons historiques (ce sont les pays industrialisés qui ont commencé par s’enrichir, au prix de pollutions massives chez eux et ailleurs dans le monde) et économiques : ils ne veulent pas entraver le développement de leurs économies, actuellement basées sur des processus industriels et des sources d’énergie très polluants (charbon, fioul) et se retrouver pénalisés à la fois sur le plan financier (coût élevé de la reconversion à des énergies et des technologies moins ou peu polluantes) et sur le plan technologique (obligation d’acquérir les nouvelles technologies dans les pays industrialisés, à un coût jugé prohibitif, d’où nouvelle dépendance). Les responsables des Nations Unies espèrent quant à eux que des réponses seront apportées à quatre questions- clés :

  1. Dans quelle mesure les pays industrialisés sont-ils prêts à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ?
  2. Dans quelle mesure la Chine et l’Inde y sont-elles prêtes ?
  3. Comment financer l’aide dont auront besoin les pays en voie de développement pour réduire leurs émissions et s’adapter aux impacts du changement climatique ?
  4. Comment gérer ce financement ? Des acteurs majeurs peuvent changer la donne : la Russie s’est ralliée à l’Union européenne pour réduire ses émissions de CO2 de 20% d’ici 2020 ; alors que, sous la présidence de George BUSH, les Etats-Unis refusaient d’admettre le rôle joué par l’activité humaine dans le réchauffement climatique, depuis l’arrivée au pouvoir de Barack OBAMA, ce rôle a été reconnu et un objectif de réduction globale des émissions fixé d’ici à 2020. A ce jour, on ignore quelle sera l’attitude de la Chine, de l’Inde ou du Brésil à l’ouverture de la négociation. Dans son numéro daté du 7 août, le journal Le Monde titre « L’Inde veut devenir un géant de l’énergie solaire » et « La Chine est saisie par la fièvre des énergies renouvelables », mais indique par ailleurs que l’Inde veut à tout prix éviter un engagement chiffré de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre et que la Chine refuse pareillement de plafonner ses émissions. Une chose paraît avérée : ça va chauffer à Copenhague…

    Que pouvons-nous faire ?

A un niveau plus terre-à-terre, que pouvons-nous faire, collectivement et individuellement, face à des perspectives aussi angoissantes ? Tout d’abord, changer nos mentalités. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, nous avons été conditionnés à vivre dans un système économique basé sur une croissance illimitée, reposant elle-même sur des ressources considérées comme inépuisables, et donc sur leur gaspillage. Cela a engendré des sociétés consuméristes, où l’élévation constante du niveau de vie et des rémunérations était censée alimenter en continu la croissance économique. Plusieurs « secousses sismiques » nous ont fait déchanter depuis, qu’il s’agisse des chocs pétroliers successifs, de l’épuisement désormais avéré et inexorable de ressources finies, ou de la crise que nous vivons actuellement, et qui a ébranlé en profondeur la planète financière, avant d’affecter notre mode de vie. Il nous faut désormais choisir entre changer nos habitudes ou assister à notre propre déclin.

Pour nous aider à changer, commençons par réfléchir profondément à deux idées apparemment simples :
 la première est la proposition « penser globalement et agir localement » : c’est déjà ce que nous essayons de faire au niveau des associations de pro- tection et de défense de l’environnement. Mais il incombe à chacun d’entre nous d’élever suffisamment son niveau d’information et de conscience pour décider de changer son mode de vie — et le faire
 la seconde est la formule-choc de Yann ARTHUS-BERTRAND dans son film « Home » : « Il est trop tard pour être pessimiste ».

Ensuite, pousser nos mandataires politiques au niveau communal à mettre rapidement en œuvre des initiatives d’intérêt public et transformer les discours et déclarations d’intention en enjeu politique. Ainsi Uccle a lancé l’Agenda 21, dont l’élaboration est suivie par l’ACQU.

Et allons visiter une exposition passionnante consacrée à ce thème d’une actualité brûlante, intitulée « C’est notre Terre 2, objectif Copenhague », qui s’est ouverte à Bruxelles le 10 septembre 2009 sur le site de Tour et Taxis et fermera ses portes en janvier 2010. Pour de plus amples renseignements, consulter le site de l’exposition www.expo- terra.be

Agir, soit, mais comment ?

Qu’est-ce que chacun d’entre nous peut déjà faire dès maintenant, au niveau de son quotidien ? Beaucoup plus qu’il ou elle ne pense. Quelques exemples :
 Remplacer dès que possible toutes les lampes à incandescence – qui se caractérisent par une énorme déperdition d’énergie – par des lampes économiques, certes plus chères à l’achat, mais à la durée de vie très supérieure et qui ne consomment qu’une fraction de l’énergie requise par les ampoules classiques (lesquelles seront toutes retirées du commerce d’ici 2012, en vertu d’une directive européenne, donc d’application dans chacun des 27 Etats membres de l’Union européenne)
 Avant de prendre sa voiture par pur réflexe acquis, se demander si l’on ne peut pas y arriver tout aussi bien en utilisant les transports en commun ou le vélo – moyennant un réaménagement de son emploi du temps
 Lors du remplacement d’appareils électro-ménagers, privilégier ceux qui consomment le moins d’eau et d’énergie (des labels spécifiques nous y aident)
 Lors du remplacement d’une installation de chauffage ou d’un chauffe-eau, faire étudier les systèmes fonctionnant à l’énergie renouvelable, pour l’installation desquels la Région accorde des primes intéressantes. Il en va de même lorsqu’on améliore l’isolation thermique d’une habitation, sans même parler d’une construction nouvelle. Ainsi, il existe déjà un exemple de maison dite « passive » à la Montagne Saint-Job. On peut présumer que le maître d’œuvre n’a pas opté pour ce type d’habitation par pur idéalisme et sans tenir compte du coût…
 A coût égal ou comparable, privilégier l’électricité dite « verte », c’est-à-dire produite à partir d’une source non polluante (aujourd’hui, toutes les multinationales impliquées dans la prospection de nouveaux gisements d’énergies traditionnelles s’évertuent à nous persuader de leur conversion aux énergies propres…)

Faut-il encore préciser que chacune de ces décisions – possibles et à notre portée –, outre qu’elle contribue concrètement à la réduction de nos émissions globales de CO2, est source d’économies substantielles pour notre budget ?

Tout ceci nous amène au développement durable, un concept plus vaste que celui du seul réchauffement climatique. Mais ceci est une autre histoire…

Georges INGBER

septembre 2009