Quelle place pour le vélo à Uccle ?

Article paru dans la Lettre aux habitants n° 65, septembre 2010.

La Commune d’Uccle donne-t-elle sa chance au vélo ? Ce mode de déplacement allie bien des avantages et fait partie intégrante des plans de mobilité de nombreuses autres communes, régions ou pays voisins.

Si nous posons cette question, c’est parce que nous aimerions faire le point sur les positions et surtout les actes de nos édiles communaux en cette matière.

Afin d’établir un bilan, il nous suffit de comparer la situation uccloise en quittant de quelques mètres son territoire vers Drogenbos, Ruisbroek, Beersel, Hoeilaart ou Hal pour se rendre compte que la frontière n’est pas que linguistique. C’est ce qui saute aux yeux lorsqu’on se rend dans n’importe quelle ville de Flandre : le centre-ville donne une large place aux piétons et aux cyclistes. Le vélo est omniprésent, comme maillon du déplacement intermodal. Les gares de ces villes ont de confortables parkings à vélos bien conçus. Le centre ville est aménagé en pié- tonnier ou en « zone de rencontre ». Et en dehors des centres, des pistes cyclables jouxtent les axes importants.

Un échevin ucclois évoqua le dénivelé de notre commune pour expliquer que le vélo n’y était pas adéquat. Un réflexe d’automobiliste sans doute, qui feint d’ignorer que certaines communes flamandes ont - elles aussi - de beaux dénivelés, ou que les vélos à assistance électrique (VAE) rencontrent un succès certain.

A Uccle, la voiture a chassé les vélos. Car oui, ils ont été nombreux par le passé. Des vélos s’agglutinaient chaque jour devant les écoles qui y dédiaient d’ailleurs des parkings spécifiques. Aujourd’hui, ce sont les parents-taxis qui déposent - en double file - les élèves. A 12 ans, les enfants ne craignaient pas d’emprunter la chaussée d’Alsemberg, l’avenue Brugmann ou l’avenue De Fré. Et leurs parents ne tremblaient pas. La route était partagée.

Aujourd’hui, la route est devenue théâtre de compétition, voire de vitesse... quand les voitures ne sont pas engluées dans le trafic. Certains conducteurs montrent même de la frustration à être dépassés dans une file par un vélo. D’autres peuvent montrer de l’agressivité s’ils sont précédés d’un vélo qui ne fait que prendre sa place légitime et permise sur la chaussée.

Un partage équitable

Nul doute qu’il y a lieu de rééquilibrer le partage de l’espace dédié aux différents usagers. Cela peut se faire par des aménagements, mais ce n’est pas la piste principale à suivre dans les quartiers les plus urbanisés. Le partage de l’espace, c’est surtout une question d’éducation et l’apprentissage du respect d’autrui, sans oublier la sanction des comportements inappropriés de ceux qui mettent en péril les usagers faibles, notamment de par les excès de vitesse. Les responsables politiques se doivent d’agir sous peine de renforcer le sentiment d’insécurité des cyclistes non aguerris. Des contrôles de vitesse bien plus systématiques ont montré leur efficacité, en France et en Flandre notamment.

Là où la circulation est dense, il s’agit d’identifier clairement l’espace dévolu ou partagé par les différents usagers. L’aménagement d’une piste cyclable n’est évidemment pas possible partout. Mais est-elle étudiée systématiquement lorsqu’un réaménagement de voirie est décidé ?

Il faut évidemment une largeur suffisante de la voirie pour l’aménager. L’exemple positif le plus récent à Uccle est à l’avenue De Fré (voirie gérée par la Région), lors de sa réhabilitation. En montée, une piste cyclable a été (ré)aménagée, parallèle à la chaussée, par le marquage d’une double ligne discontinue. Mais de nombreux automobilistes roulent sur cette piste cyclable, alors qu’elle ne fait pas partie de la chaussée. Rouler sur une piste cyclable est une infraction au code de la route. Une infraction sanctionnée ?

Bande cyclable suggérée

L’avenue De Fré n’étant peut-être pas suffisamment large pour installer une piste cyclable de chaque côté, le sens de la descente a été marqué par une BCS, soit une « bande cyclable suggérée » par la présence de chevrons et de logos. Contrairement à ce que pensent nombre d’usagers, il ne s’agit pas d’une piste cyclable mais d’un marquage qui informe les usagers de la présence de vélos. Ces BCS ont une vertu éducative pour les automobilistes qui ne doivent pas penser que la chaussée leur est exclusivement dédiée.

Ces BCS ont également fait leur apparition chaussée d’Alsemberg. Elles y ont fait couler beaucoup d’encre. Car elles ont été tracées entre les rails des trams, et non entre le rail et les voitures en stationnement, provoquant l’ire de certains automobilistes voire de l’incompréhension. Là aussi, c’est méconnaitre un des plus grands dangers pour le cycliste, à savoir l’ouverture des portières de voiture côté conducteur. C’est pourquoi il est normal pour un cycliste de rouler à bonne distance des voitures en stationnement.

Bien sûr, il est souvent possible de prévoir pour les cyclistes des itinéraires « bis », parallèles aux grands axes, plus sécurisants et d’ailleurs bien plus agréables. Toutefois il ne faut pas vouloir rejeter les vélos vers des rues qui entraînent des détours, vers des rues qui alternent des dénivelés importants alors que le grand axe est rectiligne et d’une déclivité plus constante, ou vers des rues dont le revêtement est chaotique.

C’est la désagréable impression que peuvent donner certaines propositions cyclables du plan communal de mobilité (PCM), propositions qui manquent d’ailleurs de concrétisations.

SUL

Une des mesures les plus en faveur du vélo est la systématisation du SUL, le sens unique limité. Faut-il rappeler le pourquoi des sens uniques ? Ils ont bien sûr été établis dans des rues dont l’étroitesse ne permet pas la circulation automobile dans les deux sens de circulation en plus du stationnement. L’augmentation incroyable du nombre de véhicules ces 50 dernières années leur font occuper une surface immense de l’espace public pour stationner. A tel point qu’elles envahissent maintenant illégalement trottoirs et zones de recul (jardinets). Un autre but de l’instauration des sens uniques est de tenter de préserver la quiétude de quartiers envahis de voitures qui cherchent des trajets alternatifs et parallèles aux « grands axes » encombrés.

Les SUL sont précieux pour les vélos, car justement ils leur permettent ces trajets alternatifs hors des grands axes et leur donnent des raccourcis appréciables pour les mollets et la sécurité.

Les SUL sont parfois bien mal compris par les automobilistes, fâchés de devoir ralentir pour croiser un vélo.

La notion de SUL a été créée dans le code de la route en 1991 et les gestionnaires de la voirie ont alors été autorisés à les instaurer. Toutefois, peu de communes ont mis cette possibilité en pratique, principalement parce qu’elles trouvaient cette mesure trop dangereuse.
Pourtant, là où les SUL avaient quand même été instaurés, il est apparu que l’insécurité routière n’avait pas augmenté : sur les voies en SUL, l’automobiliste et le cycliste se rencontrent, en effet, de face. La visibilité mutuelle est
donc, en principe, optimale et le contact visuel évite automatiquement la “confrontation”.

Les arrêtés royaux et ministériel du 18 décembre 2002 ont inversé la logique de création des SUL : alors qu’avant, l’instauration du SUL était autorisée, elle est à présent obligatoire dans toutes les rues à sens unique qui répondent aux conditions en la matière. Seules les rues où le gestionnaire de la voirie estime que l’instauration du SUL pourrait représenter un danger peuvent être exclues. Les gestionnaires de la voirie restent donc les responsables de la sécurité sur les routes, mais toute décision de ne pas instaurer le SUL dans certaines rues doit être motivée.

Le GRACQ (Groupe de Recherche et d’Action des Cyclistes Quotidiens www.gracq.be) a publié récemment des statistiques communales sur le taux d’avancement de réalisation des SUL par les communes bruxelloises. Hormis un très mauvais élève (Berchem Sainte Agathe avec 44% de réalisation), les communes bruxelloises affichent un taux moyen de 78% de transformation des sens uniques en SUL. Uccle affiche un timide score de 69% par rapport au 97 % de Saint-Gilles, 85% d’Ixelles ou 75% de Forest. Uccle peut donc mieux faire que ses 125 SUL pour 175 sens uniques.

Plus inquiétant, certains SUL auraient été supprimés à Uccle, car le chiffre aurait été de 84% de SUL initialement. A la Commune de motiver ces décisions négatives.

Si cette obligation de l’installation des SUL a été subsidiée par la Région, l’entretien dépend des communes. Certains SUL présentent un marquage déficient ou manquent d’entretien.

Parking

Une des actions extrêmement positive que les communes peuvent prendre en faveur du vélo est l’aménagement de parkings. Celui-ci peut prendre différentes formes. Leur utilité ? La protection contre le vol ! Ce n’est pas moins de 36.000 vélos qui sont volés annuellement en Belgique, et bien peu sont retrouvés par nos forces de l’ordre. De plus, il est difficile de faire assurer son vélo. La réponse est donc la prévention : un cadenas en U de qualité et ... un U renversé scellé au sol pour l’y accrocher (voir à ce propos les conseils « parking » sur www.provelo.org).

Les endroits stratégiques de leur installation sont les pôles commerçants, les écoles, les bâtiments publics et les quartiers fortement urbanisés où les habitants ne disposent pas toujours d’endroits où ranger leur vélo chez eux (appartements, petites maisons sans garage ni jardin...). Pour eux, certaines communes prévoient des enclos collectifs couverts et fermés lors de l’aménagement de bâtiments ou espaces publics. Le Service de l’urbanisme devrait exiger systématiquement l’aménagement d’un parking vélo pour les nouveaux immeubles comme le Règlement régional d’urbanisme (RRU) le lui impose désormais pour toute nouvelle construction (logement, bureau, surface commerciale).

Partage et marquage

On le voit, promouvoir le vélo ne signifie pas nécessairement peinturlurer partout des pistes cyclables ou des bandes cyclables suggérées. Mais la Commune pourrait poser des gestes concrets qui permettent un réel partage de la chaussée.

SAS vélo

Tous les aménagements « vélos » ne sont pas uniquement du ressort des communes, mais aussi de la Région. Celle-ci élabore depuis longtemps des plans stratégiques fort utiles, mais qui mettent souvent trop de temps à se concrétiser. Le réseau cyclable bruxellois comprend notamment des itinéraires cyclables régionaux (ICR) qui permettent de relier les différents pôles stratégiques de la Région en traversant plusieurs communes. A Uccle, un seul de ces ICR est marqué (ICR 6 a et b). Les 4 autres se font attendre…

En complément, le projet prévoit d’équiper toutes les voiries régionales de pistes cyclables ou d’un marquage vélo adapté. Nous attendons l’aménagement complet de la chaussée de Waterloo …

Le Plan Iris 2 annonce la création et la sécurisation de 70 km de pistes cyclables longeant des voies ferrées, itinéraires presque sans dénivelé et qui sillonnent toute la Région. Par exemple, Uccle serait reliée à la gare du Midi par une piste qui longe une ligne de la SNCB. Ces corridors verts seraient également acces- sibles aux piétons.

Mais n’attendez pas ces réalisations : équipez-vous dès aujourd’hui d’une veste fluo, d’un joli casque, et dites adieu aux embouteillages et galères pour vous parquer.

septembre 2010