Pour un Bourdon - Calevoet à visage humain

Article paru dans la Lettre aux habitants n° 65, septembre 2010.

QUELQUES DONNEES DE BASE :

Les abords de la gare de Calevoet et de la plaine du Bourdon comptent plusieurs terrains non bâtis. Ils sont dus à des expropriations et des démolitions en vue de la construction – avortée – du ring sud. Certains bénéficient d’une protection en tant que « zone verte », protection confirmée par le Plan Régional d’Affectation du Sol (PRAS) et par le Plan Régional de Développement (PRD) ; Il s’agit essentiellement de la réserve naturelle du Kinsendael et du Keyenbempt. Les autres – plus ou moins 10 ha – sont majoritairement repris au PRAS comme « zone à forte mixité » et donc constructibles. Certains sont déjà en cours d’urbanisation et les autres vont le devenir. Le secteur résidentiel prédomine largement. Plus de 1.000 logements se pointent ainsi à l’horizon.

Les maîtres d’œuvre tentent généralement d’atteindre un rez + 5. Seul le projet régional sur la plaine du Bourdon prévoyait d’atteindre les 9 niveaux mais il a heureusement été refusé.

Afin de répondre à l’obligation de mixité des fonctions, les promoteurs prévoient d’inclure dans leur programme soit du bureau, soit du commerce. Toutefois, dans la plupart des cas, cela se fait en fonction des quotas obligatoires et non suite à une étude d’incidences ou à une réelle étude de marché.

Disons encore que le quartier détient un potentiel d’accueil indéniable et qu’il gagnerait à une certaine remise en valeur ... mais avec discernement !

ET LES RIVERAINS LA-DEDANS ?

Les habitants proches se sont légitimement émus de voir se multiplier d’énormes projets urbanistiques. Non qu’ils soient opposés à une certaine densification de cette zone de toute façon constructible, jusqu’à présent épargnée, mais pas à n’importe quel prix. Si la perspective bien compréhensible des promoteurs est de rentabiliser au maximum leur bien, celle des habitants est de pouvoir vivre dans un environnement convivial ; elle nous semble bien plus légitime et devoir donc l’emporter sur celle des promoteurs ; on est dès lors en droit d’espérer que les autorités qui décident feront prévaloir l’intérêt des habitants.

Les riverains qui se sont réunis à plusieurs reprises ont, avec l’aide de l’ACQU et d’Inter-Environnement Bruxelles, commencé par effectuer un travail d’analyse de la situation existante, lors de marches exploratoires, en soulignant les forces et les faiblesses du quartier. Ils ont ensuite donné quelques pistes de ce qu’ils verraient bien pour que l’urbanisation du site se fasse de manière réfléchie, avec une vue d’ensemble, c’est-à-dire en évitant le cas par cas.

Un projet considéré de façon individuelle peut être bon, mais il peut se révéler malencontreux quand on le voit à côté d’autres. Le travail des riverains – en cours de finalisation au moment de la rédaction du présent article – est destiné à être remis en 1er lieu aux autorités régionales et communales.

QUELQUES CONSIDERATIONS CRITIQUES

 a) Le gabarit des immeubles apparaît chaque fois comme démesuré ; c’est le reproche le plus fréquent et il émane aussi bien de l’administration communale que des habitants. La Commune semble avoir pour politique d’accepter, dans la mesure du possible, du rez + 3. Il ne faut pas perdre de vue qu’une trop forte densification – spécialement dans le cas des logements sociaux – serait une entrave à une intégration sociale efficace.

 b) La mobilité est évidemment en lien avec le gabarit des immeubles. Si le quartier est assez bien desservi en transports en commun, il est quand même déjà terriblement engorgé par le trafic automobile. Il s’agit d’une entrée de ville empruntée par un grand nombre de navetteurs. De plus, les emplacements de parking sont insuffisants, ce qui provoque déjà actuellement du parking sauvage. Dès lors, l’arrivée de plusieurs milliers d’habitants, c’est-à-dire de plusieurs centaines de voitures, va immanquablement augmenter les pollutions de tout genre et paralyser un peu plus le trafic.

Ce qui manque par contre, c’est l’aménagement de la zone pour y favoriser la mobilité douce : cheminements piétons (déjà des trottoirs plus larges seraient
bienvenus) ; pistes cyclables (itinéraires sécurisés venant de Drogenbos et Linkebeek vers St Job et vers le centre d’Uccle en passant par le Bourdon ; passage pour cyclistes sous le chemin de fer à hauteur de la gare de Calevoet) ; etc ... ; jusqu’à présent, rien ne semble prévu !

 c) La gestion des eaux est délicate en raison de la configuration des lieux. La cuvette que constitue cette plaine en fait un important et nécessaire bassin d’orage naturel. La nappe phréatique se trouve à très faible profondeur et la plaine a tendance à être marécageuse. Tout comme l’administration communale, les riverains craignent des inondations (comme celle qui a eu lieu le 10 juillet dernier) si on imperméabilise le sol de façon importante.

On devrait encore mentionner le respect de la biodiversité, la nécessité d’une vraie mixité des fonctions : logements, écoles, crèches, bureaux, commerces de proximité, terrains de jeux, équipement culturel, etc... On en revient toujours à ce qui a déjà été dit : l’ensemble des projets doit être cohérent ; il faut éviter la démesure. On doit penser une communauté urbaine vivante, pas une cité dortoir.

Hélas, il n’existe pas de Plan Particulier d’Aménagement du Sol (PPAS) régissant cette zone, sauf celui qui est en cours d’élaboration pour les 4 ha du site Illochroma. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’évaluation des incidences, pas d’étude d’impacts un peu sérieuse. Le Plan Communal de Développement n’a pas été finalisé. Or, cet énorme ensemble mériterait largement une étude globale des incidences que risque d’engendrer une suc- cession de projets divers.

Si, pour une raison budgétaire ou autre, le pouvoir public ne peut garantir une valorisation efficace et humaine du site, les riverains considèrent qu’il est alors important de revoir à la baisse la densification projetée. Simple principe de précaution. Densifier plus ultérieurement sera possible, mais revenir sur ce qui aura été fait ne le sera plus.

Yvette LAHAUT
Membre du groupe de réflexion du Bourdon