La mobilité : un véritable enjeu dont les paramètres dépendent du projet de ville à promouvoir.

Article paru dans la lettre aux habitants n° 71, mars 2012

Les problèmes de mobilité dans la Région de Bruxelles
Capitale et à Uccle en particulier nous interpellent
quotidiennement, d’où le nombre d’articles importants
que nous consacrons régulièrement à ce sujet
dans notre Lettre.

L’envahissement des voitures dans notre tissu urbain
résidentiel est devenu excessif et inacceptable. Il hypothèque
notre projet de ville qui privilégie l’humain,
les relations sociales, le désir de vivre dans un environnement
sain et agréable. Il hypothèque également
la viabilité présente et future de la ville par l’agression
croissante de diverses pollutions (l’air, le bruit,le stress).
Comment cohabiter intelligemment avec nos multiples
et beaux repères historiques, écologiques et
géographiques de grande valeur émotionnelle dans
un univers noyé par le bruit, la pollution, l’incivisme
parfois agressif, le non-respect de l’autre.

Avouons-le : s’exprimer ainsi est difficile et délicat :
l’usage abusif de la voiture est un fait de société indiscutable.
Ainsi, dans la région bruxelloise, la longueur
moyenne des déplacements quotidiens est
inférieure à 5 km. Utiliser sa voiture pour se rendre au
travail, alors que des transports en commun existent
pour effectuer le même trajet, pour aller chez le boulanger
ou boucher du coin impliquant un trajet de
quelques centaines de mètres, est encore pour beaucoup
d’habitants une habitude instinctive difficile à
changer. Et pourtantmarcher, ou utiliser un vélo pour
de relativement courtes distances, utiliser les transports
en commun sont des alternatives positives et
saines.

Il est évident aussi qu’il faut rendre nos transports en
commun plus efficaces. La STIB est souvent critiquée.
Nous ne contestons pas que des critiques parfois très
dures sont légitimes, mais il est évident que faire circuler
efficacement des bus et des trams dans un environnement
saturé par les voitures est quasi impossible.

La réalité socio-politique bruxelloise (19 communes)
hétérogène et parfois incohérente est un défi des plus
difficile à relever. D’autant plus que des solutions à la
problématique des transports en commun passent par
la prise en considération de la réalité urbaine bruxelloise
qui comprend au moins 50 à 60 communes. On
connaît hélas « l’état de délabrement » de nos relations
communautaires qui empêche de trouver des solutions
efficaces d’intérêt général. Il suffit de voir le
temps (des décades) que prend la réalisation de projets
pourtant fondamentaux comme le RER. Cela fait
plus de 30 ans que l’ACQU, Inter Environnement
Bruxelles et tant d’autres se battent pour promouvoir
des mesures favorables aux transports en commun. Il
est évident que l’abandon du projet du périphérique
sud fût une excellente chose tant les conséquences sur
le plan environnemental (sauvetage d’espaces verts
importants)et sur le plan humain furent bénéfiques.

Cette décision contribua potentiellement et fondamentalement
à améliorer nos conditions de vie.

Mais cette réalité ne suffit pas à garantir un projet de
ville meilleur si on ne s’attaque pas concomitamment
à des composantes de la vie urbaine lourdes de conséquences.
Tout ceci pour dire que définir un projet de
ville digne de ce nom(c’est-à-dire répondant à des valeurs
de civilisation « durables ») est une réalité complexe
qui implique des engagements politiques à
court, moyen et long termes.

Là est le problème fondamental !

Changer notre quotidien, son manque de civisme individuel
et collectif, ses finalités de consommation
abusive, l’orgueil et l’égoïsme largement présents, impliquent
de la part des décideurs du courage, de la
persévérance et beaucoup d’engagements tenaces sur
les valeurs nécessaires à défendre pour que les choses
changent.

Promouvoir le métro à Uccle (au coût exorbitant) est
une « solution » très discutable. On peut évidemment
en discuter ; mais cette prétendue « solution » préconisée
par beaucoup de nos dirigeants ucclois, ne
répond pas à l’usage abusif de la voiture qui congestionne
et pollue gravement notre environnement et
hypothèque la qualité de vie urbaine recherchée. C’est
au niveau (en surface) de nos avenues, rues, chemins
et sentiers, trottoirs et vraies pistes cyclables que se
joue l’avenir d’une vie sociale plus communicative.

C’est également la raison pour laquelle le remplacement
à terme de la voiture d’aujourd’hui par la voiture
électrique ne résout pas fondamentalement le
problème sociétal qui nous paralyse.

Précisons que 40%(pourcentage impressionnant) des
Bruxellois n’ont pas de voiture et sont donc tributaires
des mobilités alternatives dont évidemment les transports
en commun. Cette réalité interpelle d’autant
plus qu’elle témoigne d’un déséquilibre sociétal très
pénalisant et injuste.

Qu’on nous comprenne bien : nous ne nous opposons
pas à l’usage de la voiture en ville. Mais celui-ci doit
être sagement maîtrisé et limité pour les raisons que
nous venons d’évoquer.

Bernard Jouret
Président de l’ACQU