L’ACQU et l’élargissement du Ring Nord.

Article paru dans la Lettre aux habitants n° 58, décembre 2008.

Il y a 30 ans, l’ACQU a combattu, avec succès, le projet de construction du RING SUD.

Aujourd’hui, c’est le dédoublement du RING NORD qu’il faut dénoncer comme un mauvais projet. Certes, la congestion automobile, et par conséquent les pertes économiques, sont telles qu’il est urgent de trouver une solution. Cette solution doit être pensée dans le long terme et dans la cohérence avec la volonté déclarée de réduire la pression automobile. C’est loin d’être le cas. Ce RING NORD ne traverse pas Uccle, mais les répercussions de son élargissement ne seraient pas sans conséquences pour tout Bruxelles.

Notre association s’est constituée à l’époque où on commençait à parler de la construction du Ring ceinturant Bruxelles, et notamment sa partie sud reliant Drogenbos au boulevard du Souverain. Elle s’est livrée à une étude très sérieuse, publiée sous le titre « Le PERIPHERIQUE SUD – Un Livre Blanc », mettant en balance les avantages et inconvénients d’une telle construction, en ayant en particulier égard aux habitants d’Uccle. Les conclusions étaient évidentes, en tout cas évidentes pour ceux qui s’étaient penchés sur les différents aspects de la problématique et pas seulement sur la fluidité du trafic. Il faut dire qu’au milieu des années 70, on en était encore au « tout à la voiture », au slogan « Mon auto, c’est ma liberté ». On en est revenu. Mais il y a 30 ans, il n’a pas été facile de convaincre le monde politique, ni même un certain nombre d’habitants, sur les méfaits qu’aurait engendré ce Ring Sud. Il aurait fortement encouragé le recours à la voiture et accru le parc automobile à une époque où on essayait – déjà ! – de freiner la pression automobile. En plus, il aurait « déchiré » Uccle, il aurait constitué un mur séparant complètement différents quartiers. Finalement notre association est parvenue à convaincre que ce Ring n’était pas un bienfait ni même une nécessité. Et aujourd’hui, le sentiment très majoritaire des habitants du sud de Bruxelles est qu’on a bien fait de renoncer à cette construction.

Tout ceci pour dire que maintenant que le Gouvernement flamand veut dédoubler le Ring au nord de Bruxelles (globalement, passer de 6 à 12 bandes), l’ACQU ne peut rester indifférente. Ce n’est pas parce que cela se passe à 10 km qu’il faut « rester au balcon ».

Les données ne sont pas identiques : si le Ring Nord ne « déchire » pas l’habitat urbain comme c’eut été le cas à Uccle, le problème lié au trafic automobile est le même et est considérablement plus inquiétant. C’est qu’aujourd’hui, le parc automobile s’est tellement développé que la pression est infiniment plus forte qu’il y a 30 ans. Quand, à l’époque, on se plaignait de « bouchons », on ne savait pas ce que ce terme pouvait vraiment signifier. Et si on continue dans la même voie, il ne faudra plus longtemps pour qu’on doive remplacer le mot « mobilité » par celui de « immobilité ».

Pour en revenir au Ring Nord, notre association a adressé aux responsables du projet pour le Gouvernement flamand (avec copie au Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale) une lettre dans laquelle elle commence par reconnaître la gravité de la situation au nord de Bruxelles : la saturation du Ring est telle qu’il est grand temps de chercher des mesures de désengorgement. Ce « bouchon » presque permanent coûte une fortune à nos entreprises, pollue l’atmosphère au-delà de toute mesure, engendre l’agressivité et le stress des automobilistes, etc...etc….

Mais ce constat ne nous amène pas – et cette fois nous sommes très loin d’être seuls ! – à approuver le projet d’élargissement du Ring. Nous avons émis 4 critiques :

 A) La critique la plus fondamentale est celle-ci : loin de réduire le trafic, le projet va l’augmenter. En effet, il est établi que plus on facilite les déplacements routiers, plus on en crée de nouveaux ; c’est un simple phénomène « d’aspiration ». Quand on crée de nouvelles voiries, de nouveaux emplacements de parking, etc..., on incite les automobilistes à recourir à la voiture. La fluidité du trafic est donc à terme une illusion. Certes, beaucoup de déplacements en voiture sont nécessaires, sont justifiés professionnellement, ne peuvent être réalisés autrement. Mais nombreux sont ceux qui pourraient être évités ou pour lesquels le transport en commun serait mieux indiqué. On est, hélas, à une époque où le recours à la voiture est considéré en toutes circonstances comme normal, le transport en commun étant réservé à ceux qui n’ont pas de voiture ou qui ne sont pas pressés... L’élargissement revient à la politique du « tout à la voiture » qu’on a connu pendant des décennies et qu’on reconnaît maintenant comme une mauvaise solution et dont on essaie de se défaire. Sans compter que les conséquences seront contraires aux engagements auxquels la Belgique a souscrit au plan international. Et même en faisant abstraction de pareils engagements, nous avons tout intérêt à lutter contre la destruction de l’environnement (gaz à effet de serre, pollutions de toutes sortes, biodiversité, etc...). Ce projet est donc un retour en arrière, dont on sait qu’il aura des conséquences désastreuses. Bien plus – comme l’a expliqué l’administrateur-délégué du bureau d’études STRA-TEC, spécialiste en la matière – l’élargissement n’aurait d’impact positif sur le trafic que pendant 5 à 10 ans, soit un court terme. Quand on imagine les nuisances incalculables qui résulteraient d’une telle construction, sans parler de son coût astronomique, on ne peut que se dire que le projet devrait être soigneusement repensé.

 B) Une 2ème critique concerne le saucissonnage du dossier en effet, le projet total comprend 3 tronçons totalisant plus de 10 km (de l’autoroute de Liège à l’autoroute de Gand). Pourquoi ne pas avoir considéré l’ensemble dès le début ? Pourquoi n’avoir mis à l’enquête publique qu’un tiers du projet (entre la E 40 de Liège et le pont de Vilvorde) ? Il faudra quand même considérer les deux autres tiers. Il tombe en particulier sous le sens que l’élargissement d’un tronçon va créer un goulot d’étranglement si le tronçon suivant n’est pas élargi. Le fractionnement du dossier en 3 sous-dossiers n’est pas une démarche correcte. Il n’est même pas innocent : on cherche ainsi à éviter que le public ne perçoive l’ampleur réelle du projet global, et on espère qu’une fois l’élargissement débuté, il sera inévitable de le continuer. Cette procédure n’est pas acceptable et il convient de reprendre le dos- sier en prenant en compte la totalité du projet. Bien plus, si tout le chantier est destiné à être réalisé, le problème du goulot d’étranglement va se produire aux deux extrémités, ce dont le projet ne se préoccupe pas.

 C) Une 3ème critique est relative à
l’absence de collaboration avec Bruxelles. Le Ring Nord est situé en région flamande, mais son élargissement aura nécessairement d’énormes répercussions sur la Région de Bruxelles-Capitale. Certes, le Gouvernement flamand a – tout récemment – estimé que les Bruxellois pouvaient donner leur avis. Ce n’est cependant pas suffisant comme collaboration. Ce projet mérite d’être examiné dans la perspective du Plan Régional de Développement, du Plan Régional de Déplacements (IRIS 2), et même des plans de mobilité des communes proches du Ring Nord. Il est notamment expliqué dans IRIS 2 (p.17) que l’amélioration sensible de la capacité du Ring fera repartir fortement à la hausse le trafic à destination de la région bruxelloise…

 D) La dernière critique a trait à l’absence d’étude suffisante pour prendre une décision en connaissance de cause. L’étude TRITEL, sur laquelle se base le projet, est déjà ancienne (2000) et n’englobe pas tous les paramètres actuels de la mobilité. Elle n’est donc pas fiable et devrait être actualisée et compétée pour qu’on connaisse la situation actuelle.

Ceci permettrait de trouver la solution la mieux adaptée et qui est probablement à rechercher dans un meilleur développement des transports en commun ou encore mieux dans une combinaison de différentes mesures : par exemple, réserver le Ring au trafic de transit, repenser les transports locaux en modes alternatifs comme le développement du RER avec un réseau de bus plus fourni, la création de pistes cyclables (pour les courtes distances), une bande de circulation réservée aux voitures remplies, …

Bref, toutes des mesures qui permettraient de réconcilier mobilité, développement économique et environnement ; c’est cela le développement durable. Le service Milieu effect rapportage (MER) Vlaanderen doit avoir, pour le 26 novembre 2008, ana- lysé les avis reçus, pris une décision et adressé ses directives aux auteurs du projet.

Puisse le Gouvernement flamand se ressaisir et rechercher une meilleure solution !

Denys Ryelandt
Vice-président ACQU

décembre 2008