Chsée de Waterloo, n°s 1485, 1489 et 1491

Demande de permis d’urbanisme N° 16-38566-08

Démolition des immeubles à front de voirie et construction d’un immeuble à appartement.

Lettre adressée par l’ACQU au Collège des Bourgmestre et Echevins de Uccle dans le cadre de
l’enquête publique faisant suite à la demande de permis d’urbanisme introduite par la sprl H INVEST.
 Commission de concertation : Mercredi 02 septembre à 15h35. Adresse du jour : salle du Conseil de la maison communale (1er étage), Place Jean Vander Elst 29,
1180 Uccle.

Mesdames, Messieurs,
J’aimerais prendre part à la commission de concertation, au cas où je ne pourrais me présenter, pourriez-vous faire part de mes remarques aux membres de la commission et joindre la présente au pv de la réunion.
Merci.

1. BÂTI EXISTANT.

 Considérations générales.

Les trois édifices présentent une typologie « maison de ville » et une esthétique éclectique typiquement belge. Elles ne sont pas spécialement remarquables mais elles ont l’avantage de s’intégrer au front bâti. Notons que leur façades sont actuellement sales ce qui tant à les déprécier. Un ravalement de leur façade et un petit coup de pinceau serait tout en leur faveur apporterait probablement un charme inattendu à l’ensemble (contrastes de matériaux (briques rouges, enduits, pierre bleue, pierre blanche, …) éléments décoratifs (balcon, modénatures des encadrements, arcades), rythmes de compositions, …).


Elles ont cependant surtout l’avantage d’exister et sont relativement en bon état : La plupart des châssis ont par exemple été remplacés il n’y a de ça que peu de temps. Malgré certains frais à faire, le bâti dans l’ensemble est sain et bien entretenu. Nous aurions donc tendance à plaider pour leur maintien et non leur démolition/reconstruction et ce au nom d’une économie d’énergie qui plaide au réemploi plutôt qu’au renouvellement perpétuel.

 Façades arrière et annexes.

Parmi les 3 immeubles, le numéro 1491 est celui qui le plus semble nécessiter une intervention. En effet avec le temps, des pièces supplémentaires ont été accolées progressivement à sa façade arrière d’origine. D’après les plans, cette situation tend à rendre les espaces intérieurs peu confortables. Certaines pièces d’habitation, anciennement ouvertes sur l’arrière, semblent en effet se retrouver enclavées et donc privée de lumière naturelle. Cette remarque n’est cependant valable que pour le n° 1491. Les deux autres immeubles ne disposent pas d’adjonctions arrière.

2. IMMEUBLE PROJETÉ.

a. Considérations sociales.

L’actuel projet de la firme H-INVEST SPRL se veut essentiellement un projet d’investissement financier. D’ailleurs le nom de la société en dit long sur ses activités.

Or il est important de peser les conséquences humaines induites par cette demande. En effet, en marge du pur investissement financier, du pur rendement immobilier, il ne faut pas oublier que le site compte actuellement 19 unités de location : 6 commerces (combiens d’emplois ?) et 13 logements (17 lits). Combien d’éventuels drames humains en perspective… ?

 Appartements de luxe.

En dehors des questions proprement urbanistiques et architecturales (voir plus bas), se pose en effet la question sociale. Actuellement l’ensemble composé des trois immeubles à front de rue constitue un assortiment de 13 logements de type moyen voire bas, c’est-à-dire accessibles à une population relativement modeste financièrement. Le demandeur projette d’en faire 11 appartements probablement de luxe. En faire un projet de luxe reviendrait à en exclure la population actuelle ce qui serait contraire au « projet de ville ambitieux » qui nous est promis à travers le Plan Régional de Développement. Le PRD a en effet fixé trois défis transversaux majeurs qui sont sensés « orienter l’ensemble des politiques mises en œuvre à Bruxelles ». Parmi ceux-ci : « Assurer à la région une population diversifiée en renforçant l’intégration sociale des populations fragilisées ». Dans ce sens il est impératif de soutenir la place du logement moyen au sein du parc privé en sachant notamment que :

— le secteur public du logement est complètement saturé
— près de la moitié des Bruxellois se trouveraient dans les conditions d’accès au logement social
— les ménages éligibles à un appartement social doivent trouver à se loger dans le secteur privé, lequel devient le parc social de fait.

Le PRD stipule encore que « contrairement à la ville américaine, l’idéal de ville européen se fonde sur une mixité des fonctions et des populations. La mixité des fonctions et des populations est toujours un équilibre précaire (…) » et particulièrement à Uccle qui a tendance à se profiler comme une commune de luxe. Au nom d’un développement urbain équitable et équilibré et malgré la plus value pour les recettes communales que représente de facto tout projet immobilier de luxe, il est impératif de contrer cette tendance. Mieux vaut une répartition des classes sociales moins favorisés au sein du tissus urbain existant que de vouloir les concentrer dans des immeubles neufs qui tendent à la ghettoïsation et à l’exclusion.

Ci-dessous le témoignage d’une famille de l’immeuble (que nous citons de manière anonyme pour des raisons de discrétion) :
Nous avons emménagé le 1er mars 2009 dans cet appartement pour diverses raisons :

- Nous habitons tous les deux à côté de notre travail. Moi je travaille au 1525 chaussée de Waterloo et mon mari au 1441 de la même chaussée. Notre fille va à l’école au Servites de Marie qui se trouve à 10 minutes à pied de chez nous. Nous louons un appartement deux chambres très agréable, lumineux et propre pour 600€. Il est très difficile de trouver ce genre d’appartement pour un loyer abordable dans les environs. Mon mari et moi venons de Jette. Avant d’emménager ici, il me fallait entre une heure et une heure et demie pour aller jusqu’à mon travail et idem pour le retour.
Ça fait sept ans que je travaille au même endroit et que je passais la plus part de mon temps dans les transports pour aller travailler. C’est la première fois que j’ai la chance d’habiter à côté de mon travail. Avant je devais lever ma fille à 5h30 du matin pour la conduire à l’école alors que maintenant elle se lève vers 07h30. La vie est beaucoup plus agréable et moins stressante pour nous depuis que nous avons emménagé ici.

 Commerces.

Le présent projet ne menace non pas seulement les locataires des actuels immeubles mais également les commerçants. Le commerce dans l’absolu n’est pas inquiété puisque le projet prévoit d’augmenter le nombre de commerces de deux unités (une a l’arrière et une à front de rue) dans un but de rentabilité immobilière. Cependant sur les 6 commerces existants, la moitié (les trois à front de rue) devra inexorablement quitter les lieux afin de faire place au chantier de construction. Certains commerces à l’arrière risquent par ailleurs une fameuse chute de fréquentation (voire une éventuelle faillite) du fait des travaux à l’avant.
Or ces commerces se sont bien implantés dans le quartier et procurent de l’emploi local. Certains ont d’ailleurs investis largement pour s’y implanter. C’est le cas notamment du magasin « Le comptoir Bio » qui à rénové complètement son espace commercial (nouveau sol, installation d’une chambre froide, etc.…).
En outre, la demande de permis d’urbanisme ne semble pas tenir compte des baux en cours dont certains courent pourtant encore sur plusieurs années : « Le comptoir Bio » : encore 6 ans !

b. Considérations urbanistiques.

 Dérogation au RRU.

— GABARITS.

Le bâtiment projeté déroge au RRU. Son profil mitoyen (mitoyen de droite vu depuis la rue) dépasse largement le profil mitoyen voisin. Les deux derniers niveaux (4ième et 5ième niveau) seront à ce titre en infraction et ce malgré le décrochement (recul) prévu.

— IMPERMÉABILISATION.

Situation existante :

782,6m2 imperméables pour un terrain d’une superficie totale de 845,4m2. Le jardin de l’immeuble Chaussée de Waterloo 1491 est quasi le seul morceau de terrain à être actuellement perméable (62,8m2).

Situation projetée :

d’après la demande de permis d’urbanisme, le projet prévoit de réduire l’emprise des surfaces imperméables : « la surface non bâtie sera aménagée en espace vert, intégrant les parkings dans un environnement végétal et perméable. » On passerait ainsi des 782,6m2 de surfaces imperméables à une totalité de 518m2. Or cette affirmation est tronquée car elle ne tient pas compte du parking souterrain prévu qui a une emprise au sol de 628m2 et qui dépasse à lui seul la surface imperméable annoncée en l’occurrence 518m2. A ces 628m2 de parkings il faut encore ajouter l’emprise au sol des 3 commerces en fond de parcelle (les deux existants plus le troisième projeté à l’emplacement du jardin actuel).

In fine, la totalité des surfaces imperméables ne sera donc pas diminuée tel que annoncé par le demandeur. Les schémas ci-contre et ci-dessous en sont la démonstration graphique (en rouge les zones bâties, en vert les zones non bâties). Le projet enfreint donc finalement le RRU. Ce règlement impose aux zones de cours et jardins de comporter « une surface perméable au moins égale à 50% de sa surface. Cette surface perméable est en pleine terre et plantée. »

Chaussée de Waterloo, n° 1485 1489 et 1491, plan (Rez-de-chaussée) et élévations (coupe) de la situation projetée (juin 2009) par H-INVEST SPRL .

 Parking et mobilité.

Situation existante : 10 emplacements de parkings réservés aux 6 commerces/entreprises. Les 13 logements ne disposent d’aucune place de parking réservés au sein de la parcelle.
Situation projetée : 26 emplacements de parkings pour 11 logements et 8 commerces/entreprises. 15 places en sous-sol réservées probablement aux logements et 11 places extérieures (cour intérieure).
La situation actuelle n’est pas conforme au RRU par le fait qu’elle ne prévoit, hors voirie, aucune place de stationnement à l’attention des habitants. Pourtant elle a l’avantage, dans un quartier ou la circulation automobile est problématique, d’inciter des locataires non motorisés à s’y installer.
L’ascenseur à voiture projeté inquiète le propriétaire de l’immeuble n° 1483 (l’ascenseur est projeté en mitoyenneté à sa façade) pour des questions de vibrations.

 Isolation et performances énergétiques.

L’immeuble à appartement prévu répond largement aux normes en vigueur en matière d’isolation thermique. Il se profile même à l’image d’une maison « basse énergie » puisque son niveau K (niveau global d’isolation thermique) atteint les 39 alors que la norme est de 55 au maximum.
La plus value énergétique est donc conséquente si on la compare à la probable situation énergétique actuelle des 3 maisons. Le graphique ci-dessous (consommation chauffage/électricité/eau chaude dans quatre types de logements flamands. Source : Passifhuis platform vzw, Anvers, 2007) illustre ce propos. La situation existante, avenue de Waterloo, correspond probablement à la première colonne (sans oublier que dans notre cas, nous nous trouvons en milieu urbain mitoyen et dense, ce qui est plus favorable à une réduction du cout énergétique), la situation projetée, à la troisième colonne. On constatera que c’est principalement sur le chauffage que la différence se marque.

consommation chauffage/électricité/eau chaude dans quatre types de logements flamands. Source : Passifhuis platform vzw, Anvers, 2007

Cependant la question de l’empreinte énergétique occasionnée par ce projet de démolition/reconstruction ne se limite pas seulement à la question de l’isolation thermique du futur bâtiment. Il faut également tenir compte des énergies grises occasionnées par le chantier : choix des matériaux (énergie nécessaire à leur fabrication, …), transport, démolition (énergie nécessaire à la démolition, au traitement des déchets, …), etc…. Il est reconnu qu’une démolition reconstruction consomme 2 à 3 fois plus d’énergie qu’une rénovation (Emmanuel TUAL, Paris Habitat, 2008). Ce constat suppose donc une nécessaire réévaluation de la plus value environnementale promise par le futur immeuble à basse énergie. Une manière de contrebalancer à long terme l’impact de cette différence serait d’opter non pas pour une construction à basse énergie mais carrément pour une construction passive. En effet, le tableau ci-dessus indique clairement que la maison passive, avec ses 42 kWh/m²/an d’énergie présente une consommation largement inférieure à toutes les autres.

Dans l’absolu, les projets de construction portent davantage atteinte à l’environnement que les rénovations ou les réhabilitations de bâtiments anciens. La priorité doit donc aller à l’amélioration du parc résidentiel existant. Il faut éviter également que les dégradations n’empirent dans les bâtiments anciens au point qu’on soit contraint de les démolir. Malgré ce qu’on en dit, les opérations de rénovation sont rentables tant au niveau économique que social, et rentrent, de ce fait, dans le cadre de la construction durable.

CONCLUSION.

Au vu de l’ensemble des données (dérogation au RRU, développement durable), l’actuelle demande de parmi d’urbanisme, dont le seul objectif est le rendement et le profit, ne peut être accordée.

Nous sommes toutefois conscients que certaines mises aux normes et modernisations doivent être apportées au bâti existant.

D’ailleurs la loi récente, obligeant la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique des bâtiments lors de transactions (changement d’exploitation, vente...), va sans doute contraindre l’investisseur- propriétaire à intervenir.

Dans ce sens, et en alternative à la démolition/reconstruction, nous recommandons la réhabilitation des immeubles existant selon une démarche citoyenne complète.
Nous rappelons que le principe de développement durable, que la commune défend d’ailleurs fièrement à travers son Agenda 21, ne se limite pas aux seules questions d’empreintes écologiques. Un projet durable doit aussi prétendre à garder un sens collectif et à inciter à une diminution de la fracture sociale. Un projet durable est un projet dont les coûts de développement ne sont pas exportés sur quelque autres populations qui soit en l’occurrence les locataires des immeubles (habitants et commerçants).

La réhabilitation des maisons existantes peut présenter plusieurs avantages tant pour le propriétaire que pour les locataires et plus globalement pour l’environnement dans la mesure où les travaux se déroulent par tranches, sur site occupé, et orchestrés dans le temps.
Eventuellement le propriétaire pourrait conclure un contrat de gestion de son immeuble avec l’agence immobilière sociale uccloise. L’agence sert en effet de médiatrice entre les propriétaires-bailleurs et les ménages locataires ou en quête d’un logement. Son objectif est de mettre en œuvre tout type d’action visant à l’amélioration du logement et à la mise en location sur le marché d’un nombre plus important de biens disponibles.

Dans l’attente de vos nouvelles, je vous prie, chère madame, cher monsieur, de bien vouloir agréer l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Enguerrand David,
Chargé de mission auprès de l’ACQU
Enguerrand.acqu@live.be