Billet d’humeur

Article paru dans la Lettre aux habitants n° 66, décembre 2010.

Le quartier du Bourdon, c’est un petit quartier blotti aux confins de l’agglomération bruxelloise tout au sud d’Uccle. C’est un coin plutôt paisible où il fait bon vivre. C’est surtout MON quartier et ce quartier me plaît, même s’il n’est pas parfait. J’y vis depuis presque 15 ans, je m’y sens bien. Mes voisins sont comme le quartier, plutôt sympas. Ils forment un miroir dans lequel je me retrouve : à peu près la même tranche d’âge, même milieu social — le belge CSP (catégorie socio-professionnelle) moyen, ni riche, ni pauvre mais qui rame un peu en fin de mois… Il y aussi pas mal de papys et de mamys qui vivent là depuis trente, quarante, voire cinquante ans. Ils sont la mémoire des lieux, et se rappellent de l’époque où un tram partait de la gare de Calevoet pour rejoindre Beersel, de la brasserie, de la boulangerie qui proposait un si bon pain qu’on venait de loin pour en chercher.

En bas de ma rue, il y a un grand terrain vague qu’on appelle la plaine du Bourdon. Avant qu’un cirque ne s’y installe, j’allais y jouer au badminton ou au foot avec les gamins du coin. J’ai grimpé dans les arbres, cueilli des prunes et des noisettes. C’était un peu chez moi, comme une annexe de mon jardin, et je trouvais beaucoup de charme à cet espace vert, situé au milieu de nulle part, juste à côté de deux autoroutes urbaines... C’est sûr, la circulation ne manque pas dans le coin….

Il y a la gare aussi : tous les jours, je m’y rends pour prendre le train qui m’amènera au boulot en semaine, et au marché du Midi le dimanche. Elle est jolie et ressemble à une petite gare de campagne. Je n’y suis pas toute seule, elle draine beaucoup de monde, riverains ou navetteurs et joue un rôle central dans le quartier. En face de chez moi, il y a un p’tit bois. De ma fenêtre, au printemps et en été, je vois un renard dormir sous un rayon de soleil, juste au pied d’un arbre, sous les frondaisons. C’est un beau spectacle. Mais qui risque de ne bientôt plus être d’actualité…

Là, comme sur la plaine, comme à côté de la gare, comme à côté du restaurant « le Schievelavabo », comme encore ailleurs dans le coin, on est en train de bâtir — ou on va le faire — des immeubles gros et costauds, pour mettre plein de gens dedans, et tout cela va changer radicalement la physionomie du quartier, son côté villageois et convivial. Ça ne va pas. A croire que dans chaque espace vert épargné par l’urbanisation, dans chaque « dent creuse » il soit nécessaire de bâtir, construire, et détruire les derniers poumons verts de nos villes. Il faut que cesse ce massacre à la tronçonneuse ! Qu’on envisage enfin une urbanisation à visage humain, où les habitants aient un rôle à jouer, et où la concertation ne soit pas un vain mot…

Aussi, les habitants du quartier, avec le soutien d’IEB et de l’ACQU, ont décidé de prendre le taureau par les cornes et de faire un état des lieux. De se balader dans le coin, de voir les forces et les faiblesses du lieu, de lister ce qui manque, mais aussi de pointer ce qui est chouette. Alors on s’est réuni plein de fois... on a beaucoup causé, on a parfois rigolé, et on a quand même travaillé un peu... et au final, tout ça a permis l’arrivée d’un beau bébé sous la forme d’une plaquette couleur dont on est vachement fiers ! Maintenant l’aventure continue... la suite au prochain épisode.

Sylvie Boucheny
(habitante du quartier)