BILLET D’HUMEUR LE PIÉTON : UN INTRUS OU UN INCONTOURNABLE ?

En favorisant largement le véhicule motorisé, des décennies d’actions politiques ont modelé visiblement et négativement la répartition de
l’espace public de nos villes
. On ne s’en rend même plus compte, mais la part de la voirie accordée à l’usage automobile est énorme, et c’est
au détriment de celle destinée aux piétons. Ceuxci semblent à peine tolérés, réduits à devoir se contenter du résidu de l’espace public, c’est-à-dire bien peu. Marcher dans nos villes s’apparente trop souvent à un parcours du combattant : trottoirs trop petits voire inexistants, en mauvais état, souvent encombrés d’un matériel urbain mal placé, de sacs poubelles quand ce n’est pas de voitures.

« Poteaux au Dieweg – Barrières rue du Repos empêchent les
voitures de se garer sur le trottoir »

On constate depuis peu une prise de conscience positive. Le dernier Cahier de l’Observatoire de la Mobilité constate le progrès mais le relativise.
La mode est maintenant au « partage de l’espace public » mais c’est une notion consensuelle au contenu qui l’est moins. Il apparaît que, pour toute l’agglomération bruxelloise, la part des trottoirs est grimpée (?) de 35 à 37% de 2005 à 2014 : pas grand’ chose, alors que la partie carrossable de l’espace public est encore de près de 58%. La marche se développe mais l’aménagement de la voirie en faveur de la voiture semble toujours une évidence pour beaucoup. Est-ce une fatalité ?

A Bruxelles, l’IBGE a calculé, en juin 2015, que 25 % des distances parcourues sont inférieures à 1 km !

Il est donc possible et il est sûrement nécessaire de changer nos habitudes : nous sommes tous des piétons potentiels, la marche est en chacun de nous. Marcher est inévitable, même pour les automobilistes les plus convaincus et les plus imperméables aux autres modes de déplacement. Mode de transport élémentaire et démocratique, le plus rapide et le plus fiable pour les courtes distances, la marche est de plus ludique, conviviale et bonne pour la santé.

La marche pourrait donc redevenir une alternative innovante et stratégique aux problèmes de mobilité et de santé publique. Des fléaux comme les problèmes respiratoires causés par la pollution atmosphérique et le surpoids provoqué par le manque d’exercice diminueraient. Le stress lié au bruit, au surnombre de voitures et à la conduite agressive tendrait à disparaître.

Pour cela nos pratiques doivent évoluer, mais c’est aussi et principalement aux pouvoirs publics d’investir dans cette direction en choisissant l’humain et non plus le moteur comme norme et référence dans le choix des aménagements de voirie.

Pratiquement il s’agit d’augmenter et d’améliorer la part de l’espace public dévolu aux usagers faibles, à savoir :

• élargir où c’est nécessaire les trottoirs pour atteindre le minimum légal de 1,50 m. ;
• limiter les obstacles (poteaux de signalisation, mobilier urbain, panneaux publicitaires, etc.) et les placer de manière à ne pas entraver le passage, notamment des chaises roulantes et des poussettes ;
• rénover et entretenir les trottoirs, en prévoyant en particulier des bordures franchissables pour les personnes à mobilité réduite ;
• assurer un éclairage adapté et qui augmente le sentiment de sécurité ;

C’est aussi au niveau de la répression des infractions à la réglementation routière qui font fi des piétons que les pouvoirs publics doivent s’engager fermement. On pense principalement à la vitesse excessive ainsi qu’au stationnement sauvage sur les trottoirs, les passages pour piétons, les arrêts de bus,…

Une combinaison et une synergie des efforts permettront d’inverser le cercle vicieux en un cercle vertueux : moins polluante, moins stressante, moins bruyante, moins chère aussi, la marche à pied est incontestablement le moyen le plus saine et le plus durable de se déplacer… en toute liberté !

« Chaussée de Saint-Job : élagage non fait et voitures garées sur les trottoirs »

28 avril 2017